Les célibataires, un marché en or pour les sites de rencontres

Depuis que les célibataires ont fait leur "coming out", les moeurs ont évolué. Portant fièrement leur étendard de "coeur à prendre", ils n'hésitent plus à être pragmatiques. Alors que les copains mariés sont entourés de bambins et que les cercles de connaissance se restreignent, où rencontrer l'âme soeur? Sur le Net, bien sûr, cet immense réseau où l'on peut entrer un contact avec un(e) inconnu(e) en un clic de souris. C'est en tout cas ce que l'on peut penser, au vu de la prolifération des sites de rencontres ces deux dernières années. Une arrivée en masse qui n'a rien de philanthropique : les sites misent sur une communauté qui n'a bien sûr plus de tabous, mais qui de surcroît ne rechigne plus à payer. Le directeur France de Match.com, Alexis de Belloy, estime la cible à environ 4,7 millions de célibataires âgés de 25 à 45 ans. Et si en Europe le marché est à peine naissant, il a pris de l'ampleur aux Etats-Unis. Selon Comscore, les Américains ont dépensé en 2002 quelque 300 millions de dollars sur les sites de rencontres, contre 72 millions l'année d'avant. En peu de temps, les rencontres sont devenues la première source de chiffre d'affaires en termes de contenus, devant les données liées à la finance (292 millions de dollars) et celles liées aux loisirs (227,5 millions de dollars). Outre-Atlantique, où le "dating" - ces rendez-vous arrangés - est devenu une étape quasi-incontournable de la rencontre amoureuse, plusieurs sites ont déjà réussi à percer. Yahoo! Personals a déjà sept ans d'existence, tandis que Match.com, racheté par Barry Diller, affiche des bénéfices opérationnels et une croissance continue de sa base d'abonnés. Fin 2003, 939.000 internautes avaient souscrit à l'abonnement payant, soit 18% de plus qu'un an avant à périmètre comparable.Qu'en est-il en France? Le concept commence à faire fureur. Meetic, le pionnier de l'Hexagone, l'affirme, chiffres à l'appui. Après deux ans d'existence, plus de 4 millions de personnes se sont inscrites sur le site. Ce vivier de candidats au bonheur, c'est l'un des principaux arguments des sites de rencontres. Et là, on n'hésite pas à jouer la surenchère. Face aux 4 millions de Meetic, NetClub revendique 1,93 million de célibataires. "Les membres ont accès à une base de 12 millions d'inscrits répartis dans 28 pays. 30% de la base de données française communique avec des internautes hors de France", affirme Alexis de Belloy, chez Match.com.Pour attirer un maximum de monde, pas d'autre moyen que d'investir le terrain en ligne et hors ligne. A l'approche de la Saint Valentin, chacun a affûté ses armes, multipliant les clins d'oeil à la célèbre fête des amoureux. Meetic a organisé une "fête des célibataires" le 13 février dans une centaine de lieux en France, à Madrid et à Milan. Match s'est associé avec la chaîne de restauration Le Pain Quotidien pour inviter "2.000 célibataires" ce soir là.Plus généralement, l'organisation de soirées ou d'occasions de rencontres fait partie intégrante de la stratégie des sites. Yahoo! a donné le coup d'envoi en organisant en partenariat avec Lafayette Gourmet une séance de courses-rencontres, histoire de joindre l'utile à l'agréable. Une opération qui fut largement médiatisée.Le site du bachelor, "symbole des célibataires" Cette communion entre deux mondes, le physique et le virtuel, est aussi au coeur de la stratégie de sensso.fr, le site de rencontres créé par Olivier Siroux, le "bachelor" millésimé 2003 de la célèbre émission de M6. Sensso.fr s'est donné comme mission de faciliter la tâche des célibataires en évitant la gêne du premier rendez-vous. La société invite des couples qui se sont rencontrés sur le site, mais qui ne se connaissent pas, à se voir dans le monde réel lors de soirées privées. Tout nouveau sur le Net, Olivier Siroux, qui n'a pas l'aide d'investisseurs mais s'appuie sur ses deniers personnels, mise tout sur son capital médiatique pour faire émerger sensso.fr. "Je suis le symbole des célibataires", revendique-t-il haut et fort, assurant que chaque apparition sur un plateau de télévision lui vaut un pic d'audience.Pourquoi une telle émulation autour de la rencontre? Il faut dire que la cible est bien tentante. Tous les sites avouent une clientèle trentenaire, urbaine, pressée et aisée, et un modèle économique qui repose essentiellement sur des coûts fixes. Autrement dit, au delà d'un certain seuil de clients, les bénéfices augmentent très vite.Le marché américain déjà consolidéMalgré ses près de 300 millions d'habitants, il semble que le marché américain se soit déjà consolidé. Alors que les sites de rencontres ont déjà quelques années d'existence, le marché a laissé émerger deux très grands acteurs, Yahoo! Personals et Match.com, leader du marché avec un chiffre d'affaires 2003 de 185 millions de dollars et un résultat d'exploitation avant amortissements de 31 millions. Derrière eux se bouscule une foule de sites de plus petite taille, généralistes ou spécialisés (par religion, par origine...). Pour autant, les rencontres n'échappent pas à la concurrence. "La stagnation du chiffre d'affaires s'explique par deux facteurs: d'une part, nous avons pratiqué pas mal de promotions pour gagner de nouveaux abonnés. D'autre part, nous faisons face à un renforcement de la concurrence, provenant notamment de nouveaux acteurs ou réseaux gratuits, tels que Friendster", confie Timothy Sullivan, directeur général de Match.com, à latribune.fr.Condition sine qua non pour que le modèle fonctionne: convaincre les femmes, a priori plus réservées envers une telle démarche. C'est pourquoi tous les acteurs ont mis en place un contrôle strict des annonces et des photos qui transitent sur le service, de façon à éviter que les sites de rencontres ne se transforment en minitel rose. Sur ce point, Olivier Siroux, au public très féminin, abat ses cartes, en n'hésitant pas à vanter l'ergonomie de son site, très "intuitive", comme une "femme"... Lui et ses concurrents garantissent un rapport homme femme de 60/40 "proche de la proportion des internautes". Isolé, Marc Simoncini, le patron de Meetic, avoue "70% d'hommes pour 30% de femmes, une proportion qui a peu évolué depuis le départ". Les femmes, nerf de la guerre de la rencontreLes femmes, c'est donc le nerf de la guerre des sites de rencontres, qui leur offrent pour la plupart gracieusement le service. Il faut bien ça pour attirer des clients - mâles - prêts à payer entre 15 et 20 euros par mois. Seul Match.com, calquant son modèle sur la maison mère américaine, a décidé de jouer l'égalité de traitement. Quelle que soit l'option, le résultat peut être juteux, une fois les internautes convaincus. Meetic assure que tout compris, le panier moyen des abonnés payants dépasse largement les 20 euros par mois. Après deux ans d'existence, Meetic publiera un chiffre d'affaires de 16 millions d'euros pour un résultat avant impôts de 4 à 5 millions d'euros.Dans cet univers idyllique, y aura-t-il de la place pour tout le monde? Les sites eux-mêmes n'en semblent pas convaincus, au vu de la concurrence acharnée qu'ils se livrent. A l'instar du marché des enchères en ligne, les internautes pourraient peu à peu être tentés de se reporter vers un ou deux sites, sûrs d'y trouver le maximum de monde. C'est ce que tendent à montrer les chiffres d'audience qui, après une croissance exponentielle au premier semestre 2003, ont eu plutôt tendance à se tasser en fin d'année, preuve que le marché n'est pas extensible à l'infini. Quant à Match.com, ses ventes ont stagné voire reculé d'un trimestre à l'autre en 2003. C'est sûrement pour cela que Meetic prévoit de grands changements en 2004, même si le virage stratégique à prendre n'est pas encore dessiné. "Le problème ce n'est pas de lever de l'argent, c'est de savoir quoi en faire, s'interroge Marc Simoncini. Que faire maintenant, se consolider en Europe? Aller au Etats-Unis? Se faire racheter? Entrer en Bourse? Je n'en sais encore rien, mais il se passera des choses cette année".
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