Les papys flingueurs

L'histoire de la vénérable maison Lazard n'est pas un long fleuve tranquille, loin s'en faut. Et le feuilleton de la succession de Michel David-Weill pourrait encore réserver quelques surprises. Pourtant, en choisissant de confier les rênes de la banque d'affaires à Bruce Wasserstein en 2002, l'emblématique patron de la banque pensait avoir trouvé la personne idoine : un professionnel reconnu et susceptible de redonner un peu de lustre à une maison rongée par les luttes intestines. A la fin des années 90, la fuite des talents a coûté très cher à Lazard qui revient de loin. Mais ce come-back au premier plan est trop onéreux aux yeux de la vieille garde. Les actionnaires capitalistes, c'est à dire ceux qui détiennent un droit aux profits mais n'exercent plus au sein de l'établissement, enragent de voir le nouveau patron distribuer des bonus à tour de bras et recruter en ouvrant bien grand le carnet de chèques. Résultat : salaires et bonus flambent alors que leurs dividendes se réduisent à la portion congrue. Voilà qui est trop, et depuis plus d'un an les comptes se règlent sur la place publique. La récente publication par le Financial Times des courriers aigre-doux échangés entre Michel Davil-Weill et Bruce Wasserstein n'est que le dernier avatar de cette guerre de tranchées qui détonne un peu dans le monde feutré de la haute finance. Le pire est que les hostilités ne sont pas près de prendre fin. Bruce Wassertstein a les mains libres jusqu'en 2006, date à laquelle Michel David-Weill décidera ou non de le confirmer dans ses fonctions. Si le pari du banquier new-yorkais réussit, c'est à dire si les bénéfices sont au rendez-vous, on imagine mal que celui qui l'a désigné renie son choix. En revanche, si Lazard continue de perdre de l'argent, les jeux pourraient être plus ouverts. Mais Bruce Wasserstein a un atout dans sa manche : le soutien des "associés travailleurs", ceux qui tous les jours construisent les deals et n'ont à présent qu'à se féliciter de la prodigalité de leur nouveau boss. Admiratif, un banquier de la place observe d'ailleurs que Lazard est la seule maison capitaliste où les règles bien comprises du marxisme trouvent à s'appliquer : les travailleurs y engrangent les bénéfices, les capitalistes doivent se contenter des miettes. Une leçon de choses dont l'ironie n'échappera à personne... Entre Michel David-Weill et Bruce Wasserstein, le bras de fer a commencé, sous le regard amusé de leurs concurrents. Si ce duel au sommet promet, il risque en effet de déstabiliser la banque et, surtout, de contrarier les clients. Et à ce petit jeu, il se pourrait que, au final, il n'y ait que des perdants.
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