L'arbitre sifflé

Il est des séismes dont les répliques peuvent se montrer tardives et inattendues. Le choc des attentats du 11 septembre et les craintes de krach boursier qui suivirent semblaient loin. De même que les errements de Jean-Marie Messier à la tête d'un Vivendi Universal sorti des affres financières par son successeur, Jean-René Fourtou, aux commandes depuis bientôt deux ans. Las ! Le temps de la justice ne saurait s'ajuster à la célérité de la Corbeille, aux volte-face des milieux d'affaires et autres révolutions de palais. La perquisition au siège de l'Autorité des Marchés Financiers, l'ex-COB, à deux pas du Palais Brongniart, menée par les juges d'instruction chargés de l'enquête sur des irrégularités présumées dans les comptes de Vivendi Universal, flanqués de plusieurs enquêteurs de la brigade financière, a frappé les esprits. Le gendarme de la Bourse n'aurait-il pas fait son travail de gardien des bonnes pratiques ? La brigade financière enquête sur les rachats d'actions massifs (plus d'un milliard d'euros) opérés par VU au lendemain du 11 septembre 2001 et jusqu'à la publication de ses résultats le 25 septembre, point nullement mentionné dans le propre rapport d'enquête de la COB. Comment expliquer cette divergence si flagrante d'appréciation entre la brigade financière, qui soupçonne des manipulations de cours, et la COB, qui a fermé les yeux ? "Nous n'avons pas examiné cette affaire avec les yeux de 2004", se défend Gérard Rameix, le secrétaire général de l'AMF dans nos colonnes aujourd'hui. L'argument ne peut être balayé. La situation était exceptionnelle, l'équivalent américain de la COB, la SEC, avait autorisé des rachats même dans la période habituellement prohibée des quinze jours précédant la publication de résultats... Certes. Mais le reproche adressé au gendarme de la Bourse porte avant tout sur son excessive mansuétude a posteriori. Pourquoi, en dépit des agissements hors normes de VU qui a enfreint toutes les règles, bien loin des achats ordonnés des autres grands groupes du CAC 40, la COB a-t-elle décidé de ne pas ouvrir d'enquête ? Une décision communiquée plus de deux mois après les attentats du World Trade Center... La souplesse a des limites et le gendarme doit admonester en cas d'égarements, puis éventuellement sanctionner. L'arbitre n'a pas sifflé la faute et même jugé superfétatoire un réexamen a posteriori d'une manoeuvre potentiellement douteuse.L'affaire VU révèle par ailleurs le danger de ces programmes de rachat d'actions, qui bien que limités à 10% du capital, peuvent mobiliser des sommes considérables, au point de mettre en péril la situation financière d'une entreprise, comme dans le triste exemple de Vivendi. Une considération à méditer lors des prochaines assemblées...
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