Renault-PSA, match nul ?

L'année dernière aura été particulièrement rude pour Renault et Peugeot. D'abord sur le plan commercial puisque les immatriculations de voitures neuves en France ont reculé sur un an de 5,8% pour Renault et de 9,7% pour PSA, contre -3,9% pour l'ensemble des marques étrangères. Et, si l'on en croit les derniers chiffres disponibles, la situation ne s'améliore guère: les immatriculations de PSA en mars 2004 ont baissé de 1,7% en un an et celles de Renault ont progressé de 3,5%, soit moins vite que le marché (+5,6%). En termes de parts de marché en Europe, PSA a fortement accusé le coup. Avec une part de marché en recul de 1,7 point à 13,1%, la firme de Sochaux n'est plus en mesure de contester la suprématie de Volkswagen sur le Vieux continent. Renault, de son côté, a limité la casse en maintenant sa part de marché européenne à 11,5% (+0,1 point). Sur le plan financier, la partie n'est guère plus réjouissante. Les résultats 2003 ont montré que le temps des vaches grasses était passé pour les deux groupes français. Certes, PSA conserve une marge opérationnelle supérieure à celle de Renault (4% contre 2,5%) en 2003, mais ces taux de marges restent bien en deçà de la moyenne du secteur. Et la firme de Sochaux a vu son bénéfice opérationnel reculer de près d'un quart au cours de l'an passé, alors même que ce dernier était soutenu par les bons résultats de la division financements. C'est dire si les profits de la division automobile de PSA sont restés en berne en 2003. Du côté de Renault, la situation est un peu moins spectaculaire, mais elle n'est guère différente : les trois quarts du bénéfice net de la marque au losange proviennent de Nissan. Le match classique entre les deux constructeurs français est donc désormais loin d'être ce combat de titans qu'il a pu être dans le passé. Quand on passe en revue trois critères (perspectives d'activités, évolution future des marges et valorisation), il semble que cette situation doive se poursuivre en 2004. Reste alors à connaître le potentiel de l'un et l'autre des deux constructeurs français. PSA compte sur la 407En termes d'activité d'abord. Le marché automobile européen, sur lequel les constructeurs français sont le plus présents, devrait continuer à faire grise mine en 2004. Cette année, le marché d'Europe occidentale pourrait progresser de 1,4% selon les analystes d'ING. C'est dire si la marge de manoeuvre sera étroite pour les marques française qui seront condamnées à réaliser de vraies réussites commerciales pour maintenir leurs parts de marché. Or, dans l'automobile, ces performances sont surtout dues à des nouveaux modèles à succès. Un tel schéma paraît difficile à construire pour les groupes hexagonaux. Ainsi, en 2004, la seule sortie d'importance sera celle de la 407, destinée à remplacer la 406, lancée en 1995. Or, cette voiture, dont le lancement a déjà été reporté et qui devrait être commercialisée fin avril, va arriver sur un segment qui, d'après Sébastien Caron, analyste chez Fideuram Wargny, est assez concurrentiel et qui, surtout, est en perte de vitesse (-10% l'an dernier). Le défi sera donc difficile à relever. Pour l'analyste, la 407 devrait permettre à PSA de "résister" en termes de volumes, mais cela n'empêchera pas le groupe de perdre des parts de marché. Qu'en est-il des autres modèles de PSA, dont la sortie est prévue cette année (C4 et 107) ? Leur sortie est prévue en octobre, après le salon de Paris. Cette commercialisation devrait entraîner un ralentissement des ventes des anciens modèles durant les mois précédents. Du coup, sur 2004, leur effet devrait être neutre. En revanche, ce renouvellement pourrait porter ses fruits en 2005. D'autant que cette année-là devrait voir le très attendu renouvellement du segment de la 206. A ce moment-là, soulignent les analystes d'ING, le "mix-produit" de PSA se sera considérablement amélioré. Renault : en attendant 2005Du côté de Renault, l'année sera faible en termes de nouveautés. La firme au losange devrait lancer deux nouveaux modèles, la Scenic 7 portes et la Monospace Clio. Ces deux modèles correspondent, d'après Commerzbank, à 11% du chiffre d'affaires du groupe, alors que pour PSA, le renouvellement porte sur environ 18% du chiffre d'affaires. En revanche, la banque allemande estime que les nouveaux modèles lancés en 2003 devraient soutenir les ventes de Renault, notamment la Scenic 2 et la Megane 2. De quoi faire certes mieux que PSA, mais pas de quoi pavoiser : Sébastien Caron estime que Renault devrait tout juste maintenir sa part de marché en Europe en 2004. Là aussi, la marque au losange sera dans une année charnière et les investisseurs auront les yeux rivés sur 2005. Pour Commerzbank, il y a au moins deux raisons d'attendre beaucoup de l'an prochain. D'une part, Carlos Ghosn pourrait reprendre les rênes de l'entreprise. Avec sa réussite chez Nissan, l'homme inspire évidemment confiance aux investisseurs. Mais, surtout, en termes de nouveaux modèles, le lancement de la nouvelle Clio, produite sur la plate-forme de la Nissan Micra, sera crucial. Cette fois, 30% du chiffre d'affaires de Renault seront remis en jeu. 2004 sera donc une année de transition pour les deux groupes français en termes d'activité. Du moins, sur le marché européen. Les pays émergents pourront-ils apparaître alors comme un possible relais de croissance ? De l'avis de la majorité des analystes, pas dès cette année, mais la situation pourrait changer dans l'avenir. Selon Sébastien Caron, la présence de PSA en Chine devrait dès 2006 être "un élément non négligeable" pour le groupe, notamment en termes de volumes. Pour ING, la croissance des marchés émergents sur lesquels PSA est présent (Brésil, Europe centrale et Chine) devrait cependant assurer une progression des ventes en volume non négligeable. Du côté de Renault, l'alliance avec Nissan devrait également permettre d'assurer dans l'avenir une présence importante dans l'Empire du Milieu. Mais cette perspective reste encore lointaine et hypothétique. En revanche, la marque au losange profitera de la croissance à deux chiffres du marché d'Europe centrale où elle est très présente. Ces présences dans les pays émergents prennent certes de l'importance et sont des gages d'avenir, mais elles ne sont pas encore capables de compenser l'atonie du marché ouest-européen. Des marges sous pressionDans une année qui s'annonce donc encore difficile en termes d'activité, en ira-t-il de même pour les résultats et les marges ? Pour Sébastien Caron, la marge de PSA ne devrait pas progresser au cours de l'année et devrait donc s'établir encore à 4%. Du moins si la livre sterling reste à ses niveau actuels et ne baisse pas face à l'euro. C'est actuellement l'objectif du groupe. La situation devrait s'améliorer très nettement en 2005, mais de nombreux analystes sont d'accord pour admettre que le groupe de Sochaux a atteint en 2003 son bas de cycle. La capacité du groupe à dégager constamment des économies d'échelle est par ailleurs un gage rassurant pour la communauté financière.Renault, lui, est très dépendant de Nissan pour ses résultats. D'abord par le reversement au groupe français de sa quote-part des résultats de Nissan, mais également par les éventuelles synergies que Renault pourrait tirer de cette alliance. Concernant le premier point, le rôle du yen sera crucial. Certes, Commerzbank prévoit de fortes performances commerciales de Nissan en Chine et aux Etats-Unis, mais la traduction de cette hausse des ventes en termes de bénéfices risque de rester faible si le yen se maintient à un niveau élevé face au dollar. Les analystes préfèrent donc attendre les perspectives que le groupe présentera lors de la publication de ses résultats 2003/2004 à la fin du mois d'avril. Sébastien Caron note cependant que, pour Nissan, le point positif est que l'économie japonaise montre de clairs signes de reprise.Quant aux synergies avec Nissan, elles doivent encore se développer. Actuellement, deux plates-formes communes sont actives, notamment celle qui devrait permettre la sortie de la nouvelle Clio. Une autre est en projet à plus long terme concernant la Laguna. Pour Renault, ces synergies sont essentielles pour améliorer sa rentabilité opérationnelle. En attendant, le groupe français ne pourra afficher qu'une hausse modeste de sa marge, qui devrait rester en deçà de celle de PSA. Des valorisations généreusesDifficile de développer un modèle commune de valorisation pour les groupe automobiles. Les ratios classiques, comme le PE (bénéfices estimés en 2004 sur capitalisation boursière), s'avèrent en effet totalement inefficaces. Et ce pour deux raisons. D'une part, ces groupes ont des modèles économiques très différents et utilisent des normes comptables distinctes. Ainsi, alors que PSA est resté fidèle à la norme française, Daimler est passé en norme américaine et Renault utilise la norme internationale IAS 38. Il faut donc avoir recours à une méthode de valorisation individuelle pour chaque groupe prenant en compte la progression du titre, sa décote ou sa surcote historique, sa génération de cash-flow et ses perspectives de marges. Dans ce cadre, dans une perspective de court terme, le titre PSA apparaît "bien valorisé" pour Sébastien Caron. Il est vrai que l'action PSA a progressé de 15% depuis le début de l'année après une année 2003 en demi-teinte (à peine +3%). En revanche, les analystes considèrent que le titre, à moyen terme, a plus de potentiel, notamment dans la perspective d'une année 2005 qui est très prometteuse, comme on l'a vu. Quant à Renault, le titre est, selon Sébastien Caron, très dépendant de l'action Nissan. Et il est vrai que si l'on regarde les évolutions des deux titres depuis le début de l'année, ils sont parallèles (voir ci-contre). L'évolution de Renault dépendra donc beaucoup des perspectives de son allié japonais. Mais selon Sébastien Caron, le titre paraît également bien valorisé actuellement. Les groupes français sont donc en 2004 à la croisée des chemins. L'année 2005 semble plus attendue et plus riche en événements capables de soutenir les titres. Quant au match proprement dit entre les deux groupes, il paraît bien difficile de départager Renault et Peugeot. Si ce dernier semble avoir les fondamentaux les plus solides, Renault peut surprendre grâce à une bonne performance de Nissan et un succès de la nouvelle Clio l'an prochain.
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