Tractations au sommet autour d'Alstom

Le lieu et la date ne sont pas encore connus, mais c'est officiel: le chancelier allemand Gerhard Schröder et le Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin vont se rencontrer prochainement. L'ordre du jour est fixé: l'avenir de l'industrie européenne. Un intitulé qui n'abuse pas grand monde. Le principal sujet de discussion devrait porter sur les modalités du sauvetage d'Alstom, hypothèse accréditée par le fait que participeront à cette réunion les PDG de Siemens et d'Alstom.Après le feuilleton Sanofi-Aventis, la France est désireuse de ne pas heurter à nouveau la sensibilité allemande à l'occasion du sauvetage d'Alstom. Alors qu'un accord se profile entre Bruxelles et Paris autour d'un plan qui assurerait la pérennité du groupe industriel français, certains outre-Rhin commençaient à faire la moue devant ce qui pourrait s'apparenter selon eux à un nouveau coup de force de la France pour soutenir une entreprise nationale. Ce matin le Wall Street Journal rapportait d'ailleurs que Siemens, grand concurrent d'Alstom, envisageait de faire appel du compromis annoncé s'il considérait que ce dernier constituait une aide d'Etat illégale.Si la France et l'Allemagne semblent sur la même longueur d'onde quant à la nécessité de créer des "champions industriels" comme l'a souhaité Jacques Chirac, outre-Rhin le chancelier Schröder a néanmoins indiqué qu'il souhaitait que ceci se fasse "à l'écart des égoïsmes nationaux". Une pique qui montre à quel point l'interventionnisme français lors de l'OPA de Sanofi sur Aventis a contrarié Berlin.Long week-end de l'AscensionL'annonce de cette rencontre entre les deux chefs de gouvernements intervient alors qu'ici ou là filtrent des informations quant au compromis auquel seraient parvenus les pouvoirs publics français et la Commission européenne. D'une part, pour ce qui est du calendrier des discussions, il semble que les choses avancent. "Les négociations continuent. Nous sommes proches d'un accord, mais nous n'y sommes pas encore", a indiqué Tillman Lueder, porte-parole du commissaire européen à la Concurrence Mario Monti. Et d'ajouter, "cela risque de perturber le long week-end" de l'Ascension qui commence jeudi, mais"les services de la Commission travailleront". Les deux parties sont dans la nécessité de présenter un accord avant le 26 mai, date de la publication des résultats d'Alstom.Par ailleurs, devant l'Assemblée nationale, le ministre français de l'Economie a confirmé, voire précisé, un certain nombre de points concernant le plan de sauvetage d'Alstom. Il a d'abord rappelé qu'il n'y aura pas de démantèlement du groupe dont les trois métiers sont l'équipement ferroviaire, les équipements et services d'énergie, et enfin la construction maritime. Nicolas Sarkozy a ensuite confirmé qu'aucun site français d'Alstom ne serait fermé. Enfin, il a indiqué que l'Etat allait entrer au capital de l'entreprise, après transformation de ses créances en prise de participation dans le capital d'Alstom. Selon l'édition du Monde daté du 19 mai, cette conversion lui donnera 18,5% du capital du groupe. Convaincre les banquesLe locataire de Bercy a ensuite insisté sur la nécessité de convaincre les banques d'être "à la hauteur de leur responsabilité". "Vous pouvez compter sur la détermination du gouvernement pour les convaincre et les aider à décider", a-t-il ajouté. Selon les termes du projet d'accord, il serait est en effet prévu que les banques assurent les cautions commerciales dont Alstom a besoin, mais acceptent aussi de transformer une partie de leurs créances en capital. Dans ce scénario, Le Monde évoque une augmentation de capital de 1 milliard d'euros, alors que Reuters chiffre l'opération à 2 milliards.En échange de son feu vert à ce plan, Bruxelles exigerait de l'industriel des cessions ciblées. Selon Le Monde, les activités appelées à quitter le périmètre du groupe "réaliseraient un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard d'euros", soit environ 10% des revenus d'Alstom. Ces ventes ne concerneraient que les métiers de l'énergie et du ferroviaire. Le troisième métier, à savoir la construction maritime, pourrait en revanche subir de nouvelles restructurations. Avant un autre avenir et pourquoi pas, une participation à la recomposition en cours dans le secteur au niveau européen. Hier était annoncée la fusion des deux grands chantiers navals allemands (ThyssenKrupp et HDW) en vue d'une alliance européenne plus large. Ce serait alors la naissance d'un "EADS maritime", un de ces nouveaux champions européens dont MM. Schröder et Raffarin pourront débattre à loisir lors de leur prochaine rencontre.En Bourse, le titre Alstom abandonne en clôture 14,8% à 1,15 euros, effaçant les gains engrangés lundi.
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