Croissance 2005 : le pari à haut risque du gouvernement Raffarin

Tout va mal ou presque: le taux de chômage élevé pèse sur la consommation des ménages, l'appréciation de l'euro face au dollar entrave la compétitivité des entreprises françaises, les cours du pétrole se maintiennent à des niveaux élevés, le commerce international, qui fut le moteur principal de la croissance mondiale en 2004, devrait ralentir cette année. Et pourtant, rien n'y fait: le gouvernement maintient coûte que coûte son hypothèse de croissance du PIB pour 2005 à 2,5%. "Notre économie recommence à créer de l'emploi. Je ne vois pas de raisons pour que cette tendance soit inversée. Je maintiens donc notre prévision de croissance de 2,5% pour 2005 et nos objectifs de créations d'emplois", avait affirmé le Premier ministre dans les colonnes de La Tribune en novembre dernier (voir ci-contre). Une confiance également affichée à Bercy. Lors de la présentation de ses voeux à la presse, début janvier, le ministre de l'Economie et des Finances Hervé Gaymard a rappelé qu'un taux de croissance de 2,5% restait "l'hypothèse" du gouvernement. Faut-il y voir une confiance absolue dans la solidité de l'économie française ou bien un entêtement chronique ? Quels sont les facteurs qui permettent au gouvernement d'espérer atteindre une telle croissance, alors que la plupart des économistes ont révisé à la baisse leurs prévisions annuelles, le consensus tablant désormais sur un chiffre médian de 1,8% en 2005 ? L'inconnue du chômageC'est clairement une réduction du chômage qui ouvrirait les plus grands espoirs en matière de croissance. "La réduction des déséquilibres sur le marché de l'emploi est impérative. C'est la condition sine qua non pour que la consommation des ménages continue à soutenir la croissance, comme en 2004", explique Jean-Marc Lucas, chez BNP Paribas. "Celle-ci a progressé de 2% en 2004, ce qui constitue une bonne performance compte-tenu de la stagnation du marché de l'emploi. Si les embauches repartent cette année, comme semble le prévoir le gouvernement, la progression de la consommation pourrait dépasser celle observée l'année dernière", ajoute l'économiste. "De fait, si le taux de chômage baissait, un cercle vertueux, liant hausse simultanée des revenus et de la consommation, pourrait se former et stimuler la croissance", explique Laure Maillard chez Ixis CIB.Toutefois, le taux de chômage peut-il réellement baisser et passer de 9,9% actuellement en dessous de la barre des 9% comme le prévoit le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin? "Rien n'est moins sûr. Les entreprises, qui achèvent à peine les restructurations engagées depuis trois ans sont toujours à la recherche de gains de productivité et ne procèdent pas encore à des embauches massives", observe Adrien Pichoud chez Global Equities. "De fait, la baisse du taux de chômage, qui devrait passer de 9,9% à 9,8% cette année, ne sera pas suffisamment forte pour avoir un impact important sur la consommation", estime Nicolas Claquin au CCF.Un baril et un dollar volatilsAutre élément susceptible de permettre à l'économie française d'atteindre l'objectif gouvernemental: le reflux des prix du pétrole. "Une forte baisse des cours du brut, aux alentours de 25 dollars le baril, pourrait soutenir la croissance en permettant aux entreprises dépendantes du prix de l'énergie de restaurer leurs marges, d'investir et également d'embaucher", estime Jean-Marc Lucas. "Toutefois, une forte chute des cours est difficilement prévisible, même si un reflux du prix du baril est tout à fait possible au deuxième trimestre, une fois la période hivernale passée", ajoute l'économiste. Mais un tel repli du baril de brut n'a rien d'acquis, alors qu'aux risques géopolitiques s'ajoutent l'insuffisance chronique des capacités de raffinage et la hausse des coûts de transport de l'énergie. Un recul de l'euro face au billet vert pourrait également doper l'économie française, la compétitivité des entreprise à l'exportation retrouvant alors quelques couleurs. A la différence des exportations allemandes, dont la forte valeur ajoutée les met un peu à l'abri d'un effet de change défavorable, les exportations françaises subissent de plein fouet l'impact négatif de la hausse de la monnaie unique européenne. Et pourtant, "une nouvelle baisse du dollar n'est pas à exclure. Un taux de 1,40 dollar pour un euro peut être atteint en 2005, dépassant de ce fait la 'fair value' de l'euro face au dollar estimée à 1,20", estime Jean-François Virolle chez Global Equities. Ce qui accroîtrait la contribution négative du commerce extérieur sur la croissance française. Bref, la marge de manoeuvre qui permettrait au gouvernement de faire coïncider ses souhaits et la réalité est limitée. "Toutefois, de bonnes surprises susceptibles de doper la croissance sont toujours possibles. Ainsi, en 2004, la baisse importante du taux d'épargne des ménages, qui a grandement soutenu la consommation et donc l'activité économique, n'avait pas été anticipée", rappelle Laure Maillard. Le recours de la méthodeUne surprise de ce type est-elle envisageable en 2005 ? "Le taux d'épargne des ménages devrait en effet continuer à baisser cette année car les Français, incités par la faiblesse des taux d'intérêts, devraient continuer à investir sur le marché immobilier. L'effet richesse qui découle de ces investissements dans la pierre devrait soutenir la consommation", estime Adrien Pichoud. Certains en doutent, dont Jean-Marc Lucas qui table sur une stabilisation du taux d'épargne des ménages, notamment en raison des incertitudes qui pèsent sur le marché de l'emploi et incitent les ménages à recourir à l'épargne de précaution. Alors, cet objectif d'une croissance de 2,5% en 2005 est-il un voeu pieux ou une prévision solidement fondée ? L'avenir le dira. D'autant plus que l'on ne sait pas quelle méthode comptable devrait utiliser le gouvernement pour calculer cette croissance. En données corrigées des jours ouvrables, comme l'Insee en a l'habitude ? Ou en données brutes, comme le gouvernement compte le faire pour les chiffres de l'année dernière ? Pour mémoire, rappelons que l'Insee a estimé que le PIB afficherait une hausse de 2,1% en données corrigées en 2004. Mais de son côté, le ministre de l'Economie et des Finances a tout récemment indiqué que l'économie française avait progressé de 2,5%, conformément aux prévisions du gouvernement - en données non corrigées des jours ouvrables. Une méthode qui a particulièrement surpris le landernau des économistes et qui pourrait être à nouveau utilisée fin 2005 pour rapprocher la réalité observée sur le terrain de l'objectif gouvernemental de croissance. Rendez-vous dans un an.
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