Touche pas à mon jour férié

Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Dans la polémique relative au lundi de Pentecôte, il est d'abord frappant de constater que les personnes âgées ont été totalement oubliées. Une majorité de Français (56% selon le sondage CSA publié hier par L'Humanité) réclame le maintien de son jour férié au nom de la justice sociale - on passera rapidement sur le fait que le jour férié en question célèbre, dans une république laïque,... le début de l'annonce de l'évangile par les apôtres de Jésus-Christ.En permettant un prélèvement de 0,3% de la masse salariale annuelle, la journée de travail supplémentaire doit permettre de lever 2 milliards d'euros cette année, 8 à 9 milliards d'euros en cinq ans. De quoi créer, a annoncé le gouvernement, 10.000 places supplémentaires en maisons de retraite, et 15.000 emplois pour assister les personnes âgées. Ces ressources seront confiées à une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), installée par Jean-Pierre Raffarin le 2 mai. Egalement dépositaire de 0,1% de la CSG, des crédits de l'assurance maladie dévolus aux personnes âgées et handicapées (13,2 milliards d'euros supplémentaires), la CNSA sera soumise à un contrôle rigoureux pour éviter une dérive comparable à celle constatée après l'instauration de la vignette automobile: cette fois, c'est bien aux personnes âgées que devra aller l'argent levé pour elles.Aucune de ces décisions ne semble en soi contestable. L'Allemagne a adopté avec succès voici dix ans le principe de cette "journée de solidarité" avant de susciter des vocations en France.Alors pourquoi tant de contestation? Il est tentant d'y voir une nouvelle illustration de l'indécrottable attachement des Français à leurs avantages acquis, mais l'explication est un peu courte.90% du financement de cette mesure repose sur les salariés. A condition qu'ils travaillent le jour J. Or nombre d'entreprises ont choisi d'offrir ce lundi à leurs salariés: alors qu'on les dit écrasées par les charges sociales, elles ont accepté sans broncher et sans contrepartie ce prélèvement supplémentaire pour prix de la paix sociale. Et comme on pouvait s'y attendre, la minute cinquante-deux secondes de travail supplémentaire à la SNCF est devenue un sujet instantané de dérision.A défaut d'accepter la loi du 30 juin 2004, la France fera donc le 16 mai mine de s'en accommoder. Ce compromis est peu digne. Il l'est d'autant moins que la journée de solidarité est loin de dégager les moyens nécessaires pour éviter une répétition du terrible été 2003. Selon plusieurs associations spécialisées, ce ne sont pas 10.000 mais 40.000 places supplémentaires qui doivent être créées en maison de retraite, et ce ne sont pas 15.000 mais 250.000 emplois qui sont nécessaires pour les encadrer (voir ci-contre). Il faudrait donc lever en cinq ans non pas 9 milliards, mais 16 milliards d'euros. En attendant, les tarifs des maisons de retraite continueront d'augmenter. Ni les syndicats ni le gouvernement n'ont été à la hauteur de cet enjeu.
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