Dominique de Villepin veut une "croissance sociale" et lance une réforme fiscale

Alors qu'il avait placé toute son action à venir sous le signe de la lutte contre le chômage, Dominique de Villepin s'est abondamment félicité, jeudi à l'occasion de sa conférence de presse de rentrée, des signes positifs enregistrés sur ce front. Après les "bons résultats" des chiffres de l'emploi en juillet, marqués par un recul du chômage sous la barre des 10%, le Premier ministre a affirmé que "les résultats du mois d'août vont dans le même sens"."Ces résultats sont la preuve que nous pouvons gagner la bataille de l'emploi", a ajouté Dominique de Villepin, qui s'était donné cent jours pour redonner confiance aux Français, une période qui s'achève le 8 septembre prochain.La pièce maîtresse de son plan de lutte contre le chômage, le Contrat nouvelle embauche (CNE), porte ses fruits, a-t-il estimé. Selon le Premier ministre, "30.000 contrats nouvelles embauches environ ont été conclus en un mois", c'est à dire depuis la mise en place du dispositif début août. "C'est la preuve que ce nouveau contrat à durée indéterminée, qui comporte des protections supplémentaires, est attractif pour les employeurs comme pour les salariés", ajoute le pensionnaire de la rue de Varennes.Moderniser le modèle français Ce contrat, qui permet aux employeurs d'engager et de licencier beaucoup plus facilement, devrait ainsi tenir ses promesses en matière de diminution du chômage, espère le gouvernement. En réponse aux nombreuses critiques qui dénoncent la précarisation des salariés recrutés dans ce cadre, le Premier ministre a affirmé qu'il faudra "s'assurer que les titulaires ne rencontreront pas de difficulté en matière d'accès au logement ou aux services bancaires". A ce titre, le gouvernement veillera à ce que ces derniers puissent bénéficier du dispositif Loca-Pass, une aide au financement du dépôt de garantie et qui permet le paiement du loyer et des charges en cas de difficulté.Estimant que les cent premiers jours de son gouvernement ont permis de rétablir la confiance, Dominique de Villepin a annoncé qu'il ouvrait "la deuxième étape de son action" et que celle-ci serait placée "sous le signe de la croissance sociale. Je veux favoriser une croissance qui profite à chacun, une croissance qui redonne du pouvoir d'achat à tous les Français, une croissance qui produise des emplois: une croissance sociale", a-t-il lancé. Un projet qui implique une poursuite de "la modernisation du modèle français".Allégement de l'impôt pour les classes moyennesAu chapitre des réformes de fond, le Premier ministre a annoncé le lancement d'une vaste refonte de l'impôt sur le revenu. Alors que le gouvernement est obligé de renoncer à toute baisse des impôts en 2006 (sur les revenus 2005), du fait des contraintes budgétaires, "la baisse des impôts reprendra sur les revenus de 2006 dans le cadre d'une grande réforme fiscale", a-t-il annoncé, soulignant que "l'allègement significatif de l'impôt pesant sur les classes moyennes est la priorité".Pièce maîtresse de la réforme: une simplification de l'impôt sur le revenu, dont le nombre de tranches imposables passera de six à quatre (en sus de la première tranche imposée à 0%). En contrepartie, la déduction forfaitaire de 20% dont bénéficient les salariés sera réintroduite dans le barème. Selon le ministre délégué au Budget, Jean-François Copé, l'objectif de la réforme de l'impôt sur le revenu sera qu'il n'y ait "aucun perdant". Si l'on peut assez logiquement penser que les deux tranches extrêmes - hormis celle de 0% - de 6,83% et 48,09 % seront inchangées, on peut raisonnablement penser que les deux autres tranches intermédiaires seront modifiées en faveur des classes moyennes. Cette refonte de la fiscalité sera coûteuse pour l'Etat: "ce sont 3,5 milliards d'euros qui seront ainsi restitués aux Français", a indiqué le Premier ministre.Le ministre de l'Economie et des Finances, Thierry Breton, et Jean-François Copé devront "faire des propositions pour le prochain budget" concernant le "niveau maximal à partir duquel l'impôt perd sa légitimité et son efficacité". "En faisant la somme de l'impôt des différents niveaux de collectivités locales et de l'Etat, certains contribuables se voient prélever plus des deux tiers de leurs revenus courants", a affirmé Dominique de Villepin.A l'inverse, les deux ministres devront également "déterminer un montant maximal de réduction d'impôts afin d'éviter les phénomènes d'évasion fiscale", car "il n'est pas acceptable que des dispositifs permettent aux contribuables les mieux informés et les plus fortunés d'échapper largement à l'impôt". Toujours au chapitre des réformes fiscales, Dominique de Villepin a annoncé que la taxation des plus-values sur les titres financiers baissera en fonction de la durée de détention des titres. Cette mesure, qui sera votée dans le prochain budget, "sera un moyen de garantir la pérennité du capital de l'entreprise", a-t-il souligné. Le Premier ministre a en revanche affirmé qu'une réforme de l'ISF n'était "pas une priorité". Une évaluation des possibilités de réforme, maintes fois envisagées, est néanmoins en cours.Prime pour l'emploi mensualiséeAutres mesures concrètes, le Premier ministre a annoncé que la prime pour l'emploi (PPE) allait être mensualisée, le coût supplémentaire pour l'Etat s'établissant à un milliard d'euros sur deux ans (2006 et 2007). Simultanément, la prime de 1.000 euros destinée à favoriser la reprise d'activité des chômeurs longue durée en finançant les dépenses supplémentaires liées à la reprise du travail sera étendue à "tous" les bénéficiaires de minima sociaux et complétée par un "forfait mensuel de 150 euros par an, pour que le travail soit toujours mieux rémunéré que l'assistance". Ces dispositifs d'aide à la reprise du travail seront accompagnés d'un renforcement des contrôles. Selon le Premier ministre, en effet, "les personnes touchant des revenus d'assistance ne sont pas suffisamment incitées à reprendre un emploi". Alors que des revenus "comme le RMI, l'allocation de solidarité spécifique et l'allocation de parent isolé ont été conçus à l'origine comme une aide transitoire", Dominique de Villepin a souligné: "pour que le système fonctionne correctement, encore faut-il que les responsabilités de chacun soient clairement respectées", ce qui, selon lui, est loin d'être le cas. Dès lors, le chef du gouvernement entend que le contrôle des fraudes et des abus soit renforcé, "notamment pour le petit nombre de ceux qui pratiquent une activité au noir alors qu'ils touchent un revenu d'assistance". Selon lui, "toute fraude entraînera une suspension immédiate des droits à prestation".Bonus exonéré pour les salariésDécidé à "défendre la consommation et le pouvoir d'achat des Français", indispensable à la croissance, Dominique de Villepin a fait plusieurs propositions. Les entreprises pourront ainsi, dès 2005, "accorder en fin d'année un bonus de 1.000 euros maximum à leurs salariés, bonus entièrement exonéré d'impôts et de charges fiscales et sociales". Reste à savoir si cette décision sera assez incitative pour que les chefs d'entreprises décident soudainement de verser une telle prime à leurs salariés.En outre, pour lutter contre les effets de l'envolée des prix du pétrole, les ménages les plus modestes - c'est à dire les 10,6 millions de personnes non imposables - qui se chauffent au fioul bénéficieront d'un chèque du Trésor Public de 75 euros. En revanche, un retour à la TIPP flottante a été exclu par le gouvernement, de même qu'une diminution de la vitesse maximale autorisée sur les routes.Toujours au chapitre du pouvoir d'achat, le prêt à taux zéro va être étendu aux ménages gagnant entre 4.000 et 7.000 euros par mois dans les villes où le prix du logement est le plus élevé comme à Paris. Une aide qui devrait également permettre d'apaiser les tensions spéculatives sur le marché immobilier.Bref, entre réforme de la fiscalité au profit des classes moyennes - une notion tellement difficile à déterminer que le Premier ministre n'y a pas réussi lors de sa conférence de presse -, soutien au pouvoir d'achat et à la consommation, politique industrielle et développement des infrastructures, création de nouveaux logements entre autres chantier, ce "pré-bilan" des 100 jours s'est transformé en un vaste programme de politique générale. Le prochain bilan aura donc lieu dans vingt mois, lors des prochaines élections présidentielles. Un bilan que dresseront les électeurs.
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