"Il faut aller chercher la croissance là où elle est ! "

Par latribune.fr  |   |  834  mots
latribune.fr - Quels sont les facteurs permettant d'expliquer la dégradation de la balance commerciale en 2004 ?Nicolas Bouzou - L'appréciation de l'euro, qui affecte la compétitivité des entreprises françaises exportatrices, ainsi que la hausse de la facture énergétique liée à la flambée des cours du brut, expliquent en partie ce déficit commercial. De plus, le ralentissement sensible au second semestre des exportations françaises vers notre principal partenaire commercial, l'Allemagne, a amplifié le déficit. En effet, parce que la demande intérieure est atone outre-Rhin, la balance commerciale de la France souffre. Le déficit commercial de la France est-il inquiétant ?Accuser un déficit commercial n'est pas un problème pour une économie comme la France. C'est même presque inéluctable lorsque la reprise est au rendez-vous comme en 2004, la hausse conjuguée de la consommation des ménages et des investissements des entreprises plongeant mécaniquement la balance commerciale dans le rouge. En revanche, plus que le montant de ce déficit commercial - 7,8 milliards d'euros -, c'est la faiblesse de notre compétitivité qui est inquiétante, et les pertes de parts de marché de nos entreprises à l'étranger.Comment expliquer cette perte de compétitivité de la part des entreprises françaises ?Il faut distinguer la compétitivité prix et la compétitivité hors prix. En dépit de l'appréciation de l'euro, les entreprises françaises ont su défendre leur compétitivité prix en comprimant leurs marges et en faisant pression sur leurs sous-traitants. En revanche, la compétitivité hors prix des produits "made in France", qui repose sur leur image de marque, la qualité de leur fabrication, leur contenu technologique, est vacillante. C'est le cas pour les produits destinés au logement par exemple, surtout face à la montée en gamme des produits asiatiques, ou pour les biens d'équipement. Ces derniers souffrent de la comparaison, notamment avec les produits allemands, réputés fiables, robustes et à forte valeur ajoutée. C'est la raison pour laquelle les entreprises françaises doivent investir à nouveau. Et massivement. Pour accroître leurs capacités de production, mais surtout pour augmenter le contenu technologique de leurs produits et améliorer leur productivité. Tous les secteurs sont-ils touchés par cette baisse de la compétitivité ? Non, heureusement. L'automobile et l'aéronautique enregistrent de bons résultats sur les marchés internationaux. Le secteur des composants électriques et électroniques à très forte valeur ajoutée est également performant. En revanche, l'agroalimentaire, et notamment le vin qui a enregistré une baisse de 8% de ses exportations en 2004, ont sérieusement décroché l'année dernière. L'habillement et le textile, frappés de plein fouet par la concurrence des pays émergents - Chine en tête - sont quant à eux moribonds. La hausse de l'euro ne fait qu'accélérer la désindustrialisation de la France dans ces secteurs. Le positionnement géographique de la France est-il performant ?Clairement non. Les industriels français savent se battre sur les prix, mais ils ne vont pas toujours chercher la croissance là où elle est. La zone euro représente 60% des échanges extérieurs de la France, contre 50-55% pour l'Allemagne et l'Italie. Résultat, la croissance de la zone euro étant relativement limitée - elle s'est élevée à 2% en 2004 - elle ne peut stimuler les exportations françaises. Par ailleurs, le positionnement de la France sur les pays émergents à forte croissance est particulièrement faible, que ce soit en Chine, dans les pays d'Europe de l'Est ou en Turquie. A la différence de leurs homologues allemandes, les entreprises françaises restent frileuses. L'inconnu les effraie. En revanche, la France est le premier partenaire commercial de l'Afrique. C'est un performance très louable, mais ce n'est malheureusement pas suffisant pour tirer durablement notre croissance. Les mesures gouvernementales destinées à soutenir les exportations, notamment des PME, peuvent-elles améliorer la compétitivité des entreprises françaises ?A court terme, on ne peut pas attendre d'impact significatif du crédit import-export et du contrat emploi-export mis récemment en place par le gouvernement. Ces outils, bien qu'intelligents, suffiront-ils à relancer les exportations françaises ? Le problème est certainement ailleurs. Les entreprises nationales souffrent d'un manque d'informations. Or, qui mieux que les fédérations professionnelles pour les aider à prospecter et à réaliser des études de marchés ? L'Etat a-t-il un rôle important à jouer ? Ce n'est pas sûr. Il ne peut pas forcer les chefs d'entreprises à se prendre en main et à exporter leurs talents. En revanche, il peut les aider en soutenant la recherche et le développement, en assouplissant la réglementation. En aidant les firmes françaises à investir, notamment dans les nouvelles technologies, il leur permettra de restaurer leur compétitivité. Il y a urgence. La célèbre formule du chancelier allemand Helmut Schmidt selon laquelle "les investissements d'aujourd'hui sont les profits de demain et les emplois d'après-demain", est toujours d'actualité.