C'est l'emploi, stupide !

Il est compréhensible que lorsque les émeutes battent leur plein, la priorité immédiate et le débat public portent sur le rétablissement de la sécurité. L'éducation, la formation et - pour employer un néologisme fort inélégant - l'employabilité n'en ont pas moins été coupablement négligés depuis le début de cette vague de violence urbaine.On voit bien pourquoi: si le gouvernement n'a pas la solution à un chômage qui continue de frapper près de 10% de la population active dans son ensemble, il est bien plus démuni encore devant une population le plus souvent en situation d'échec scolaire, sans diplôme ou formation digne de ce nom, dans des banlieues où quatre jeunes hommes sur dix n'ont pas d'emploi et aucune perspective d'en avoir.De l'autre côté de l'Atlantique, en 1992, Bill Clinton avait emporté sa première élection présidentielle en centrant sa campagne sur un thème unique, au message imprimé sur une bannière installée au beau milieu de son QG de campagne: "C'est l'économie, stupide!" - avant de présider, certes servi par une conjoncture porteuse, à la plus longue période de prospérité de l'histoire des Etats-Unis. Trois ans plus tard, Jacques Chirac embrassait avec la même intensité et le même succès la cause de la "fracture sociale". Il formulait même, dans son livre "la France pour Tous" publié en janvier 1995 un diagnostic édifiant: "Dans les banlieues déshéritées, règne une terreur molle. Quand trop de jeunes ne voient poindre que le chômage ou des petits stages au terme d'études incertaines, ils finissent par se révolter. Pour l'heure, l'État s'efforce de maintenir l'ordre et le traitement social du chômage évite le pire. Mais jusqu'à quand? Aucun désordre n'est à exclure quand les rapports sociaux se tendent. Ne laissons pas notre pays éclater en classes et en castes, avec des dignitaires arrogants, des parias désespérés et un peuple déresponsabilisé".Revisiter ce constat limpide dix ans plus tard est évidemment cruel, mais légitime: il n'a pas été suivi d'effet. Pas plus dans son QG de campagne qu'un peu plus tard dans les bureaux de ses conseillers, Jacques Chirac n'a fait apposer de bannière clamant: "C'est la fracture sociale, stupide!". Ou mieux encore: "C'est l'emploi, stupide!" Le président de la République a perdu dix ans. Il n'a plus que dix-huit mois pour se rattraper.
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