Espagne : perplexité et inquiétude chez le gouvernement socialiste

Pourquoi diantre les socialistes français sont-ils à ce point divisés face à la Constitution européenne? C'est avec une évidente perplexité que leurs coreligionnaires espagnols aujourd'hui au pouvoir à Madrid se posent la question. Car dans leurs rangs - ce n'est pas un hasard si le combat pour l'Europe fut l'une des grandes bannières de ralliement de la gauche à l'époque de la lutte contre le franquisme -, la division à ce propos n'a nullement cours. C'est essentiellement grâce aux électeurs socialistes que l'Espagne a approuvé en février dernier, avec 76,7% de "oui", le premier référendum d'un pays européen sur la Constitution. Et si l'abstention fut élevée, atteignant 57,7% des électeurs (un niveau sans précédent), c'est avant tout suite au peu d'enthousiasme du Parti populaire (conservateur) dans l'opposition: s'il était théoriquement favorable au texte, nombre de ses électeurs n'en ont pas moins préféré bouder les urnes plutôt que de donner l'impression d'appuyer le gouvernement socialiste en votant "oui". C'était, en somme, la situation française... à l'inverse.Est-ce pour ce motif que les socialistes espagnols, tout en affirmant vouloir éviter l'écueil de l'ingérence, semblent bien décidés à prêter main-forte au camp du "oui" au nord des Pyrénées? Le président du gouvernement lui-même sera de la partie: José Luis Rodríguez Zapatero participera à un meeting à Lille deux jours à peine avant le référendum. Il est vrai que le résultat de la consultation française pèsera à Madrid. D'abord parce qu'une victoire du "non" risque de bloquer la discussion de dossiers que les Espagnols ont particulièrement à coeur, comme les Perspectives financières pour la période 2007-2013, un dossier vital pour le futur des fonds structurels et de cohésion. Mais aussi et surtout parce qu'un rejet du texte constitutionnel par les Français placerait indéniablement le gouvernement socialiste espagnol dans une situation embarassante.Depuis son arrivée au pouvoir il y a un an en effet, José Luis Rodríguez Zapatero a établi pour la diplomatie espagnole une priorité absolue: rapprocher son pays de ce qu'il appelle "le coeur de l'Europe", c'est-à-dire, en clair, l'axe franco-allemand, dont son prédécesseur José María Aznar s'était ingénié à l'éloigner au nom d'un atlantisme inconditionnel pourtant rejeté par l'opinion publique. Le gouvernement socialiste fait aujourd'hui valoir que cette réorientation diplomatique a permis à son pays de s'intégrer à nouveau au binôme moteur de l'Europe. Un argument qui, toutefois, perdrait beaucoup de sa consistance si les Français venaient à bloquer le texte constitutionnel le 29 mai. D'autant que l'opposition conservatrice, qui semble avoir fait de la francophobie l'un des axes de sa stratégie internationale, ne manquerait pas de monter au créneau pour assurer que le rapprochement avec Paris et Bonn n'était pas la bonne carte diplomatique. Rien d'étonnant, dans un tel contexte, si le scrutin sera sans doute suivi à Madrid avec presqu'autant d'intérêt qu'à Paris dans la soirée du 29 mai!
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