L'Unef dénonce les frais d'inscription illégaux à la fac

Le principe d'une éducation "accessible à tous" a pris un sérieux coup, alors que la tirelire des étudiants prend le relais de celle de l'Etat à travers le paiement de l'entrée en fac. S'inscrire dans l'un des masters de la fac d'Aix-Marseille III coûte 3.500 euros, tandis qu'il en coûte 1.218,83 à l'université de Grenoble III. On est loin des 199 euros fixés par le gouvernement. Cette surfacturation est justifiée par des motifs volontairement obscurs. Du coup, même si une législation existe, 61% des universités françaises ont appliqué des frais d'inscription illégaux à la rentrée 2004. Ces revenus visent à pallier le manque de financement public que perçoivent les universités mais pour l'Union nationale des étudiants des France (l'Unef), "cela ne saurait justifier que l'on prenne dans la poche des étudiants l'argent que l'Etat devrait verser aux universités".Il faut d'abord distinguer les frais obligatoires des frais susceptibles d'abus. Aux droits de scolarité nationaux qui restent fixés par le gouvernement, s'ajoutent des "droits spécifiques" ou "droits complémentaires" dont le règlement n'est pas toujours justifié. Ils représentent des services pédagogiques supplémentaires qui ne sont pas indispensables à la réussite de l'étudiant comme l'accès aux sports ou au tutorat. Ne participant pas aux obligations de service public de l'université, ils sont donc parfaitement facultatifs et l'étudiant est en droit de refuser de les payer s'il ne souhaite pas profiter de ces services. Mais l'intitulé de la facture sème la confusion et met l'étudiant dans une situation où payer ces droits complémentaires semble être nécessaire pour s'inscrire. Pour exemple, l'Unef rappelle que "les traditionnels frais de dossier réclamés aux étudiants sont indissociablement liés aux droits d'inscription selon la jurisprudence, ils ne rémunèrent pas un service rendu mais instituent un supplément de droits d'inscription qui se trouve être illégal". Ces frais de dossier n'auraient donc aucune justification...Des factures volontairement troublesMais le stratagème peut être encore plus subtil. Sous les prestations indiquées comme "redevances spécifiques", "prestations matérielles" ou "contribution pédagogiques" se cachent des paiements dont l'étudiant n'a pas à s'acquitter. C'est le cas des services accessibles à tous, sans contrôle, comme l'accès au parking ou aux salles informatiques qui sont à la disposition de l'ensemble des étudiants sans distinction. Pis encore, certaines prestations sont payées par l'étudiant mais ne lui sont pas fournies. L'Unef fournit l'exemple "d'un service des sports situé sur un autre site que celui dans lequel on étudie et qui de fait n'est pas accessible". Parfois même l'étudiant s'acquitte de droits complémentaires pour un service qu'il paie déjà. Il s'agit ici des droits sportifs payés lors de l'inscription alors qu'exercer certains sports impliquent de régler par la suite une cotisation à l'année. De fait d'intitulés obscurs, l'identification des prestations entretient l'ambiguïté pour faire grimper la facture.Une pratique répandueLa pratique de droits d'inscription illégaux touche plus de la moitié des universités de France. Ainsi 61% des campus, soit 46 universités, sont hors la loi, selon l'Unef. Dix d'entre elles appliquent des droits allant de 50 à 3.500 euros. Au palmarès des universités qui surfacturent se succèdent Grenoble II (de 218,83 à 1.218,83 euros), Aix-Marseille III (de 30 à 3.500 euros), Saint-Etienne (de 11,43 à 531,43 euros), Chambéry (de 28 à 498 euros), Perpignan (de 8 à 498 euros) et Toulouse I (de 24 à 359 euros). Le reste du classement fait apparaître que la plupart des universités en situation d'illégalité sont en province et ne correspondent pas nécessairement aux universités françaises dites "cotées". Enfin, 27 facultés respectent la loi, soit en n'appliquant pas de frais supplémentaires, soit en soulignant clairement leur caractère facultatif. Une attitude qui reste largement minoritaire.C'est en réalité au gouvernement qu'il revient de fixer le montant des droits de scolarité. Ceux-ci sont obligatoires et comprennent le financement de la vie universitaire et de la bibliothèque. Ils correspondent à 156 euros pour une inscription en licence, 199 euros pour un master et 305 euros pour entrer en doctorat. Egalement obligatoire, le versement de 4,57 euros pour le service de médecine préventive universitaire. Ainsi l'addition des droits obligatoires est rapide, l'entrée en licence pour un étudiant non boursier coûtera 160,57 euros contre 4,57 euros pour un étudiant boursier, ni plus ni moins. Il ne restera que la cotisation à la sécurité sociale étudiante mais la note pour l'université est close.Les attentes pour la rentrée 2005Du côté du ministère, on semble se mobiliser. L'Unef a noté que "jusqu'à présent, l'Etat, démissionnant de ses responsabilités en matière de financement, a avalisé et laissé cette augmentation rampante de frais illégaux. Ceux-ci étaient pourtant condamnés en Tribunal administratif". En effet, Grenoble II avait déjà été saisi en 1992 et Aix-Marseille en 1999.Le syndicat étudiant a alerté Gilles de Robien, le ministre de l'Education nationale, sur ces pratiques le 20 juillet. Dès le lendemain, le ministre et le ministre délégué, François Goulard, ont donné instruction aux recteurs d'académie de s'assurer du respect des lois dans toutes les universités pour la rentrée 2005. De son côté, l'Unef prévient qu'elle "portera les cas litigieux devant les Tribunaux administratifs afin que cesse une pratique illégale qui dure depuis trop longtemps".Si les mesures sont respectées, la rentrée 2005 des étudiants devrait être moins morose. Car, au-delà de la multiplication des droits d'inscription illégaux, l'inflation sur les droits de scolarité "légaux" se maintient. Le Ministère de l'Education a annoncé une augmentation sur les frais obligatoires pour l'année 2005-2006 de 4% pour l'inscription en licence portant le montant de 150 à 156 euros. L'entrée en master coûtera 9 euros de plus par rapport à 2004, soit 4,7% de hausse. Au regard du taux d'inflation prévue à moins de 2%, les prix qui pèsent sur les étudiants augmentent deux fois plus vite. Avec des aides financières au ralenti, l'accès aux études longues devient donc de plus en plus discriminant pour les petits budgets.
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