L'Europe déboussolée par le double non de la France et des Pays-Bas

Le projet de Constitution européenne a été massivement approuvé ce matin par... la Lettonie, dont le Parlement a ratifié le traité à 71 voix contre 5. C'est bien là la seule bonne nouvelle de ces derniers jours pour les partisans du texte, qui semble avoir reçu un coup fatal avec le non néerlandais d'hier, le deuxième en quatre jours après celui de la France.Avec cette ratification parlementaire, la Lettonie devient le dixième pays à approuver la Constitution, après l'Autriche, l'Allemagne, l'Espagne, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, la Lituanie, la Slovaquie et la Slovénie.En adoptant le texte, les parlementaires lettons ont voulu envoyer un message clair : "dire notre oui après les rejets stupéfiants de la Constitution en France et au Pays-Bas", selon l'expression du ministre des Affaires étrangères. Pour tous les pays d'Europe, il s'agit aujourd'hui de se déterminer suite au rejet du traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas. Car le vote négatif, à 55% en France et à 62% aux Pays-Bas, de deux des pays fondateurs de la Communauté européenne plonge l'Union dans la tourmente.Pour une bonne partie des dirigeants, l'urgence est de continuer le processus de ratification. C'est ce qu'ont déclaré plusieurs d'entre eux ce matin, comme le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, actuel président de l'Union européenne, selon qui "le processus doit pouvoir continuer dans les autres pays".Même son de cloche en Allemagne, où le chancelier Gerhard Schröder a affirmé sa conviction que "nous avons besoin de la Constitution si nous voulons une Europe démocratique, sociale et forte". Des pays comme la Suède, la Grèce ou la République tchèque ont redit ce matin que leurs propres ratifications seraient menées à bien.Pour une bonne partie des Vingt-Cinq, en effet, le fait que les Français et les Néerlandais aient dit non ne doit pas empêcher les autres de faire valoir leur point de vue. C'est l'opinion qu'a fortement exprimée le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, selon qui "ce ne sont ni les Français ni les Néerlandais qui doivent décider ce que pense le peuple danois". Le Danemark doit s'exprimer dans un référendum le 27 septembre prochain. Reste que d'autres pays sont plus prudents. La Grande-Bretagne, par exemple, pourrait être tentée de renoncer à son propre référendum, donné comme perdu d'avance. Dans une interview accordée à latribune.fr, Sir John Holmes, ambassadeur du Royaume-Uni à Paris, se demande ainsi s'il faut "s'engager dans l'organisation d'un référendum qui va coûter beaucoup de temps, d'efforts et d'argent" (lire ci-contre).Même si le ministre britannique aux Affaires européennes Douglas Alexander a souligné ce matin que le traité constitutionnel "a été signé par 25 nations" et qu'il ne revenait "pas à une de le déclarer mort", la crainte de voir le Royaume-Uni abandonner le processus de ratification est donc grande dans les autres capitales. Ce qui a d'ailleurs amené le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, à lancer un appel aux dirigeants de l'Union de "s'abstenir de toute initiative unilatérale avant le sommet de Bruxelles" des 16 et 17 juin.Ce sommet devrait ainsi se transformer en conseil de guerre pour mettre au point une réponse commune à la crise ouverte par le double non. Selon Jean-Claude Juncker, les dirigeants européens y procèderont à "une analyse collective" de la situation. Le président en exercice du Conseil européen leur fera des "propositions" pour montrer "que l'Europe fonctionne". Reste que la situation ainsi créée est "très complexe", pour reprendre l'euphémisme du gouvernement irlandais, pour qui il importe à la fois de respecter "le droit démocratique du peuple néerlandais de se prononcer sur la Constitution européenne", mais également de respecter tout autant "les décisions des neuf Etats membres qui l'ont déjà ratifiée"...Confronté à d'aussi parfaites contradictions, le sommet européen de la mi-juin s'annonce donc comme exceptionnellement difficile, même selon les normes de l'Union qui a connu bien d'autres sommets de crise dans son histoire. Pour le préparer, Jacques Chirac et Gerhard Schröder se rencontreront samedi à Berlin, a-t-il été annoncé aujourd'hui. Les deux hommes dîneront en tête à tête pour "faire le point sur la situation et envisager l'avenir de la construction européenne", a-t-on indiqué à l'Elysée.
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