Pologne : Varsovie en otage du scrutin français

"Le rejet de la Constitution par la France serait fatal", déclare à La Tribune Lech Walesa, qui, assisté d'une vingtaine de politiques, intellectuels, artistes et éditorialistes de premier plan, a signé une lettre ouverte aux Français les invitant à voter "oui". Une opinion partagée par la gauche au pouvoir qui, hier encore, souhaitait la tenue d'un référendum conjointement avec la présidentielle prévue en octobre. "Les Polonais ont tous les droits de se prononcer sur leur propre vision de l'Europe sans être les otages du oui ou non français", affirmait alors le ministre polonais aux Affaires européennes Jaroslaw Pietras. Mais en vérité, Varsovie attend et s'impatiente, lorgnant la courbe du "oui-non" dans les sondages. Tandis que le président Aleksander Kwasniewski laisse déjà entendre qu'il n'organisera pas de référendum si le non l'emporte en France, la droite, assurée de prendre le pouvoir à l'automne, se frotte les mains. Cette même droite libérale favorable à l'intégration européenne martelait hier encore "Nice ou la mort": la Pologne, qui avait très bien négocié ce traité-là, perdrait en effet de son poids dans le cadre de la nouvelle Constitution. Aujourd'hui, alors qu'elle veut prudemment repousser le référendum en Pologne à l'an prochain pour connaître les résultats des consultations similaires dans les autres pays et notamment chez les eurosceptiques britanniques, elle verrait d'un bon oeil un fiasco français. Son ténor Donald Tusk, sérieux candidat à la présidentielle, reconnaît "avoir une satisfaction sportive en voyant ces Français qui donnent des leçons à l'Europe et à la Pologne et qui seront probablement les auteurs du plus grand échec dans le processus de l'intégration européenne". A côté, la droite conservatrice, qui voit le traité constitutionnel comme un "monstre bureaucratique kafkaïen" digne des pires manuels marxistes imposant un mode de gestion économique, serait ravie d'un "non" français aux couleurs de l'anti-libéralisme."Varsovie fait figure d'otage du oui ou du non français", affirme un politologue. Impressionné par la vivacité du débat en France, il craint qu'une éventuelle campagne en vue d'un référendum en Pologne ne passionne pas vraiment les citoyens. "Lors des élections européennes de juin 2004, un électeur sur quatre seulement s'était rendu aux urnes. De quoi être inquiet quant au taux de participation lors un vote destiné à approuver ou non un texte méconnu par 90% des Polonais", ajoute-t-il. Un défi de plus: quel que soit le résultat du scrutin, le référendum ne sera en effet validé qu'à partir d'un taux de participation de 50%... En attendant, les derniers sondages donnent raison au "oui", avec 56%, contre 15% en faveur du "non". Reste qu'il y a un mois, le "non" représentait à peine 7%. L'humeur frondeuse des Français y est sans doute pour quelque chose...
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