La BCE joue le statu quo

C'est tout sauf une surprise: la Banque centrale européenne a décidé ce jeudi de laisser inchangé son taux directeur, à 2%. Attendu par la totalité des économistes, le maintien du statu quo - il y a 22 mois que le taux de la BCE n'a pas été modifié - reflète la conviction de l'institut monétaire que les perspectives en matière d'inflation sont encore compatibles avec ses objectifs. Plus tôt dans la journée, la Banque d'Angleterre avait elle aussi opté pour le maintien de son taux directeur à 4,75%.Si hausse des taux de la BCE il doit y avoir un jour - la Réserve fédérale américaine, pour sa part, a engagé en juin dernier une politique soutenue de relèvement de ses taux - ce n'est donc pas encore pour tout de suite. Les membres du conseil de la BCE qui se réunissaient aujourd'hui ont dû prendre acte de la morosité des perspectives d'activité dans la zone euro. Les principaux pays utilisant la monnaie unique, au premier rang desquels l'Allemagne, mais aussi la France, éprouvent les plus grandes difficultés à relancer leurs économies. Si bien que la Commission européenne vient de réviser fortement à la baisse ses prévisions de croissance pour l'année en cours: elle ne prévoit plus que 1,6% de croissance, au lieu des 2% envisagés en octobre dernier.L'industrie européenne souffre actuellement des effets conjugués de l'envolée des prix pétroliers, qui fait monter les coûts, et de la faiblesse du dollar, qui diminue la compétitivité des produits de la zone euro sur les marchés internationaux. D'où la baisse du moral des industriels européens, qui augure mal des investissements des entreprises.Dans ce contexte morose, les entreprises n'embauchent pas et le chômage demeure le problème numéro un pour les particuliers. En France, où le taux de chômage semble bien installé au-dessus des 10%, les pouvoirs publics se mobilisent d'ailleurs pour tenter d'agir contre le fléau: le gouvernement a tenu ce matin un séminaire consacré à la question (lire ci-contre). Mais là encore, le moral des consommateurs ne suit pas, ce qui peut inquiéter quant au maintien de la consommation dans les mois qui viennent. Or, cette dernière constitue le principal soutien à l'activité économique. Verdict formulé par Jean-Claude Trichet, la président de la BCE, lors de sa conférence de presse de cet après-midi: il n'y a "pas de signe de dynamisme sous-jacent" pour la croissance...Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que la BCE ait choisi de ne pas prendre le risque de freiner un peu plus l'activité avec une hausse des taux. Plusieurs éléments auraient pourtant pu la pousser dans cette direction. Les perspectives en matière d'inflation, tout d'abord. On sait que le maintien de l'inflation en dessous des 2% est l'objectif numéro un de la banque centrale. Mais l'évolution du pétrole constitue une menace à cet égard - elle est "très malvenue" pour la croissance et l'inflation, a affirmé Jean-Claude Trichet. Le brut a en effet gagné environ 40% depuis le début de l'année. Et la BCE considère que l'inflation devrait rester un peu au-dessus de 2% dans les mois à venir.Une autre considération, plus politique, pourrait inciter les responsables de la BCE à resserrer leur politique: ils n'ont guère apprécié, c'est un euphémisme, le récent assouplissement du Pacte de stabilité et de croissance décidé par les pays de l'Union. Craignant que ce Pacte amendé soit interprété contre un feu vert au laxisme budgétaire, plusieurs membres éminents de la BCE ont clairement laissé entendre que cette réforme pourrait pousser la banque centrale à pratiquer des taux d'intérêt plus élevés que prévu.Jean-Claude Trichet a d'ailleurs appelé aujourd'hui les pays de la zone euro à respecter "strictement" le Pacte. Le président de la BCE a en effet souligné que "les perspectives budgétaires sont inquiétantes dans plusieurs pays" de la zone.Toujours est-il que les banquiers centraux européens n'ont pas mis leurs menaces à exécution. Ce qui, dans l'immédiat, est plutôt rassurant pour les marchés. "Des déclarations de Jean-Claude Trichet, on peut déduire que malgré certains chiffres économiques décevants, notamment en Allemagne, la BCE ne modifie pas ses perspectives de croissance et d'inflation", analyse Audrey Childe-Freeman, économiste à la Banque canadienne impériale de commerce, interrogée par l'AFP, qui souligne malgré tout que "la possibilité d'une hausse des taux d'intérêt de la BCE à moyen terme est toujours là, ce qui soutient l'euro".Quant à Laure Maillard, économiste zone euro chez IXIS Corporate & Investment Bank, elle estime que la BCE devrait "conserver ses taux d'intérêt inchangés pour une longue période, d'au moins un an".
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