La PAC, envers et contre tout

On le sait, les subventions agricoles représentent près de la moitié du budget de l'Union Européenne. La France se taille la part du lion de cette gigantesque enveloppe: 9,7 milliards d'euros par an. Une générosité que Paris estime amplement justifiée: 15% des salariés français travaillent pour l'agriculture au sens large, et celle-ci, en demeurant aussi forte, garantit une autosuffisance alimentaire et une nourriture de qualité aux Français.Voilà pour la théorie, ou pour le discours officiel. La réalité est un peu plus complexe. A partir de 1992, le mécanisme de soutien des prix a cédé la place à une aide directe aux agriculteurs, selon des règles et des résultats contestables, si tant est que ces derniers soient connus. La Tribune et le mensuel Capital ont levé un coin du voile sur l'impact de la PAC dans l'Hexagone. 44.000 exploitants, un agriculteur sur dix, se partagent à eux seuls la moitié de l'enveloppe européenne. Le recordman est un riziculteur de Camargue qui a perçu plus de 866.000 euros pour une exploitation de 1.733 hectares. A l'opposé, les 83.000 agriculteurs les moins favorisés perçoivent moins de 1.250 euros par an.Inégalitaire, cette politique est également source d'effets pervers. Elle encourage le maintien de grandes exploitations dans les cultures, notamment céréalières, les plus aptes à capter des subventions, au détriment d'une reconversion vers des secteurs plus porteurs ou des domaines comme les protéagineux utilisés pour l'alimentation animale, dont l'Europe est très largement importatrice nette. Elle pénalise les jeunes agriculteurs. Elle handicape le développement de l'agriculture des pays en développement. Plus largement, elle menace de faire dérailler les négociations commerciales internationales qui se tiennent sous l'égide de l'OMC le mois prochain à Hong Kong. Il est difficile de prévoir sur quoi pourra déboucher la querelle de pourcentage qui oppose Bruxelles à la France, dont le gouvernement accuse le commissaire au Commerce Peter Mandelson d'outrepasser son mandat. Pour parvenir à un accord global, ce dernier s'est en effet déclaré prêt à des baisses de 35 à 60% des tarifs douaniers de l'Union Européenne sur les produits agricoles, soit une réduction moyenne de 46%. Jusqu'ici, il s'en était tenu à des baisses de 20 à 50%, soit une réduction de 36%. Déjà trop pour la France. Et bien trop peu pour les Etats-Unis ou le Brésil.Ces deux pays, tout comme le Japon, l'Inde et l'Union Européenne, représentée par Peter Mandelson, tentaient hier soir de relancer les négociations sur la libéralisation des échanges dans le cadre de l'OMC. Personne ne doute que Jacques Chirac mettra sa menace de veto à exécution si tel est prix à payer pour sauver la PAC. Il n'est pas sûr que ce soit une stratégie gagnante pour l'Europe et pour la France.
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