"Alan Greenspan a su contenir l'inflation, mais il laisse des déséquilibres structurels à son successeur"

Par latribune.fr  |   |  734  mots
latribune.fr.- Que ressort-il, de prime abord, de la présidence d'Alan Greenspan?Marie-Pierre Ripert - Une grande réactivité face aux crises. Il faut dire qu'Alan Greenspan n'a pas manqué d'occasions de démontrer ce talent. Après le krach des marchés d'actions de 1987 dès son arrivée, il a traversé avec habileté la crise des "saving and loans" du début des années 90, la crise mexicaine de 1994 et enfin, plus récemment, l'effondrement boursier de 2001 consécutif à l'éclatement de la bulle des valeurs technologiques. Par ailleurs, non seulement l'inflation a été contenue pendant toute la durée de son mandat, mais la politique monétaire d'Alan Greenspan a permis une réduction de la volatilité de la croissance.Un bilan très positif, donc...Dans l'ensemble oui, sans aucun doute. Mais la situation léguée à son successeur Ben Bernanke est loin d'être aisée. Certes, la conjoncture économique américaine est très positive, avec une croissance de 4,3% en rythme annualisé au troisième trimestre et une inflation contenue. Mais les déséquilibres structurels sont loin d'être aussi enviables. Encouragé par la politique monétaire très accommodante de ces dernières années, le taux d'endettement des ménages a fortement augmenté pour s'établir aujourd'hui à 116% de leur revenu disponible. La faiblesse des taux a également suscité une forte progression des prix immobiliers. Parallèlement au besoin de financement des ménages, le déficit public de l'Etat s'est accentué. Le déficit budgétaire des Etats-Unis s'est élevé à 319 milliards de dollars sur l'année fiscale 2005, soit 2,6% du produit intérieur brut (PIB). Et pour 2006, le déficit devrait dépasser 400 milliards de dollars, soit 3,1% du PIB. Au total, le déficit courant atteindra 6,7% du PIB en 2006. Pour l'heure, le besoin de la Chine de soutenir sa croissance grâce aux exportations la pousse à acheter des dollars pour éviter une appréciation de son change et permet ainsi le financement du déficit courant américain. Mais le déficit public américain n'est pas du ressort de la Fed?Certes. Néanmoins, Alan Greenspan met régulièrement en avant la nécessité du retour à la rigueur budgétaire. Vendredi dernier, il a une fois de plus appelé à une meilleure maîtrise du budget. Il faut dire qu'avec l'arrivée imminente et massive de baby-boomers à l'âge de la retraite, les dépenses de Medicare, programme public qui offre une protection maladie au plus de 65 ans et aux handicapés, vont fortement augmenter dans les années à venir. Par ailleurs, la mise en place du "Prescription Drug Benefit" en 2006, qui étendra la protection maladie à la couverture des médicaments, coûtera quelques 500 milliards de dollars supplémentairement à l'Etat dans les dix prochaines années. Quels sont les autres nouveaux défis auxquels doit faire face la Réserve Fédérale?Alors que la BCE a uniquement pour mission d'assurer la stabilité des prix de la zone euro, la Fed est également tenue de veiller au plein emploi et au maintien des taux longs à un niveau raisonnable. Or, on constate une perte d'influence de la politique monétaire sur ces derniers. La remontée des taux directeurs de la Fed de 300 points de base depuis un an et demi n'a que très peu influencé la partie longue de la courbe, contrairement au passé. La Fed se voit ainsi privée d'un levier d'action important.Comment est perçue la personnalité de Ben Bernanke ?Il apparaît plus ouvert à la discussion que son prédécesseur; ses décisions seront sans doute plus collégiales. La politique monétaire sous Alan Greenspan a été très transparente. En démontre par exemple la communication des membres de la Fed après le passage des ouragans pour préparer le marché à un nouveau resserrement monétaire dès le 20 septembre, alors que l'on s'interrogeait sur la réaction potentielle de la Réserve fédérale. La politique monétaire sous Ben Bernanke ne devrait pas perdre en transparence. Ce dernier n'a d'ailleurs pas caché son intention de proposer la mise en place d'une cible d'inflation ("inflation targeting"), qui améliorerait la transparence de la Fed. Une mesure qui, si elle était mise en place de façon souple, ne serait pas, selon lui, forcément incompatible avec l'objectif de plein emploi.