Des profits record, pour quoi faire ?

En matière de résultats financiers, le cru 2004 a de quoi donner le tournis. A l'image des 4,7 milliards d'euros de résultat net de BNP Paribas, les banques ne se sont jamais aussi bien portées. Louis Schweitzer quitte la présidence de Renault en pouvant se prévaloir d'un bénéfice record - plus de 3,5 milliards d'euros. Dépassant déjà allégrement 6 milliards de résultat net sur neuf mois, Total dévoilera dans deux jours des comptes annuels qui seront, eux aussi, du jamais vu...On pourrait multiplier les exemples, et les chercher bien au-delà de la France: UBS a calculé qu'à environ 14%, la part des bénéfices nets dans le PIB du G7 n'avait jamais été aussi élevée. Le magazine The Economist relève qu'aux Etats-Unis, ce même pourcentage est à son niveau le plus haut depuis... 75 ans.Ces chiffres appellent plusieurs observations. En premier lieu, la théorie économique nous apprend que, dans la durée, l'économie croît au même rythme que les bénéfices. Ce qui n'est clairement pas le cas aujourd'hui, et ne le sera peut-être pas demain. Aux Etats-Unis, les analystes tablent sur les deux ans à venir sur une hausse de 5% du PIB, mais de 10% des bénéfices, relève le même hebdomadaire britannique.Il y a pourtant fort à parier que tôt ou tard, cette corrélation entre la croissance et les bénéfices va réapparaître. Ce nivellement se fera probablement par le bas selon une dynamique connue: une profitabilité très élevée attire toujours de nouveaux entrants ou incite les plus prospères à conquérir de nouvelles parts de marché en abaissant leurs prix. Le prix très élevé du pétrole (favorable aux groupes pétroliers), le niveau très bas des taux d'intérêt (avantageux pour les banques) sont en outre autant de facteurs conjoncturels appelés à s'atténuer dès cette année.Avancer que la profitabilité des grandes entreprises cotées ne pourra demeurer aussi haute soulève deux interrogations. La première concerne la valorisation des marchés d'actions: si les analystes et les opérateurs n'anticipent pas la décrue, les cours risquent de devenir de plus en plus artificiellement élevés, avant de s'exposer à un décrochage brutal.La seconde interrogation concerne les salaires et, dans les pays comme la France où il est particulièrement élevé, le chômage. Aux Etats-Unis, au cours des trois années écoulées, les salaires ont augmenté six fois moins vite que les bénéfices. En France, les données de l'Insee ne permettent pas encore de mesurer cet écart, mais son existence ne fait aucun doute. Combien de temps les entreprises pourront-elles continuer à annoncer d'aussi bons résultats sans y associer davantage leurs employés ou gonfler leurs effectifs?Jusqu'à présent, la peur des délocalisations, la mollesse et la désunion des syndicats ont permis de contenir assez aisément les revendications. Mais l'une et les autres pourraient ne pas durer.
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