Les vertus du pétrole cher

Constatons d'abord une évidence: "la menace", "le risque" sont déjà une réalité. Les cours du brut ont peu ou prou doublé en deux ans. Or, la croissance est toujours là. Elle sera de 4,3% pour l'ensemble de la planète cette année et l'an prochain, viennent d'estimer les experts du FMI (le pétrole cher a simplement amputé de 0,1% leur prévision pour 2005). Malgré les ouragans, les Etats-Unis, qui représentent à eux seuls le quart de la consommation mondiale de pétrole, finiront l'année avec une croissance d'au moins 3%. La Chine, dont la boulimie pétrolière tend à s'atténuer, au moins provisoirement (1), verra son PIB progresser de 9% en 2005, de 8,2% en 2006, toujours selon les calculs du Fonds monétaire.Bref, la croissance mondiale a certainement été handicapée, mais clairement pas étouffée par le pétrole cher. A la différence des chocs pétroliers des années 70, qui furent des chocs de l'offre, il s'agit bien cette fois d'un choc de la demande: c'est précisément parce que la quantité de pétrole produite et raffinée n'a pu garder le rythme avec une demande augmentant avec vigueur que les prix ont fini par s'envoler. Et souligner cette résistance de la croissance, c'est conclure que le cours du baril restera durablement élevé - au moins autour de 55 dollars le baril l'an prochain, parient la plupart des experts.A ce prix, les pays développés, mais aussi la Chine et l'Inde, sont puissamment encouragés à rendre leur croissance moins gourmande en énergie et moins dépendante du pétrole. Pour les pays de l'OCDE, ce mouvement est amorcé depuis longtemps. L'Organisation a calculé que la quantité de pétrole nécessaire pour produire un dollar de PIB américain a diminué de plus de moitié en trente ans. Mais les efforts devraient aujourd'hui passer à une tout autre échelle, qu'il s'agisse des politiques publiques ou de la consommation d'énergie par les entreprises. En ce sens, le pétrole cher est une chance.Il n'est pourtant pas sûr qu'elle soit saisie. La Chine ne fera rien qui puisse compromettre une croissance qui lui est indispensable pour absorber l'augmentation de sa population active de 25 millions de personnes par an. Aux Etats-Unis, le président George W. Bush a appelé hier à la conservation d'énergie, mais en y voyant surtout un remède momentané et en promettant dans la foulée une relance de la construction de raffineries. Quant à l'Europe occidentale, la demande de pétrole - comme la croissance - y stagne. L'emploi y est dans la plupart des cas la priorité numéro un, pas l'énergie.En accélérant les réflexions sur sa disparition programmée, le pétrole cher pourrait avoir des vertus qui dépassent ses désagréments à court terme. Pour qu'elles se manifestent, de simples incantations ne suffiront pas.(1) Selon les dernières estimations de l'AIE, sa consommation de pétrole progressera de 3,4% en 2005, puis de 7,5% en 2006, après un bond de 15,4% en 2004
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