"Le commerce extérieur reste le seul moteur de la croissance japonaise"

latribune.fr - Quel bilan tirer de l'année 2004 pour l'économie japonaise ?Sophie Mametz - C'est une année paradoxale. En effet, bien qu'elle ait enregistré un taux de croissance annuel de 2,6%, en dessous de notre prévision de 3%, l'économie japonaise a connu une phase de récession aux deuxième et troisième trimestres.Quels ont été les moteurs de l'économie en 2004 ?Tout au long du premier semestre, le commerce extérieur a dynamisé l'économie nipponne. La contribution positive des exportations à la croissance a ensuite baissé, en même temps que le commerce mondial ralentissait. Par ailleurs, les investissements ont progressé jusqu'au deuxième trimestre, stimulant l'activité économique. Le gouvernement a eu la bonne surprise de voir la consommation des ménages progresser au premier trimestre, les ménages ayant vraisemblablement moins épargné. Les ventes de détail ont notamment été soutenues par la frénésie consommatrice des retraités qui ont réalisé de fortes plus-values en cédant leurs actifs boursiers. Pour mémoire, le Nikkei a gagné plus de 40% depuis 2003. Mais ce rebond de la consommation ne fut qu'un épiphénomène.Pour quelles raisons ?Les entreprises japonaises ont eu pour priorité d'assainir leur situation financière et de réaliser des investissements en équipement. Le ratio d'autofinancement des sociétés nipponnes s'élève à 110% alors qu'il dépasse rarement 30-40% dans les autres pays industrialisés. Conséquence, elles n'ont pas recours au crédit et s'autofinancent. En revanche, elles n'augmentent pas les salaires, ce qui pèse sur la consommation des ménages. Et comme l'endettement des entreprises reste encore préoccupant et que les profits se sont réduits au quatrième trimestre 2004, cette situation devrait perdurer, tout au moins en ce début d'année. Le parallèle avec la situation allemande, pays dans lequel la demande intérieure est atone, est intéressant. Que faut-il attendre des négociations salariales organisées le mois de mai prochain ?Pas grand chose, je le crains, pour les salariés japonais. Outre la question prioritaire du désendettement, les marges des entreprises se contractent car elles se sont engagées à ne pas répercuter les hausses des prix des matières premières sur les prix de ventes. Cette baisse de la rentabilité maintient une pression à la baisse sur les salaires et, plus récemment, sur l'investissement. La dérive des finances publiques japonaises peut-elle peser sur la croissance ? La dette publique atteint 8% du PIB. A court terme, les effets néfastes d'un tel niveau d'endettement public sont limités même si les efforts actuels du gouvernement pour le réduire limitent sa marge de manoeuvre pour soutenir la croissance. Les prochaines réformes fiscales destinées à assainir les finances publiques, qui devraient entraîner une hausse des cotisations sociales pour les salariés, devraient par ailleurs réduire leur pouvoir d'achat. Et donc affecter la croissance. En revanche, à long terme, l'endettement public devrait poser de sérieux problèmes, d'autant plus que les prochains gouvernements seront confrontés au paiement des retraites d'une population vieillissante. La déflation sévit-elle encore au Japon ?Absolument. Les prix ont encore reculé de 0,6% en février dernier dans la région de Tokyo. Outre des phénomènes ponctuels comme la baisse des prix du gaz et de l'électricité, des abonnements téléphoniques pour des postes fixes ou du riz, deux phénomènes peuvent expliquer cette persistance des pressions déflationnistes. D'une part, la faiblesse des demandes de crédits en provenances de ménages, ces derniers préférant épargner plutôt que de consommer et donc de s'endetter. D'autre part, comme nous l'avons déjà précisé, les entreprises, toujours engagées dans une logique de désendettement, préfèrent auto-financer leurs investissements. Le canal du crédit reste donc bloqué, malgré l'assainissement des structures bancaires et l'élimination d'une bonne partie des créances douteuses. Quels sont les effets de telles pressions déflationnistes sur l'économie japonaise ?Compte tenu de ces bas niveaux de prix, les revenus des ménages sont restés stables. Les entreprises japonaises ne sont pas incitées à augmenter les salaires de leurs employés. Résultat, la demande intérieure ne décolle pas. Quels secteurs devraient tirer la croissance cette année ?Seules les exportations, à nouveau dynamiques à compter du second semestre, devraient stimuler le PIB japonais. Mais leur contribution positive à la croissance devrait diminuer par rapport à l'année dernière, en raison du ralentissement anticipé du commerce mondial. Par ailleurs, un rebond de la demande domestique n'est pas attendu. Dans ce contexte, notre hypothèse de croissance annuelle du PIB est de 1%. Le Japon profite-t-il de la formidable croissance enregistrée par le voisin chinois ?Le dynamisme chinois est plutôt bénéfique car la Chine importe énormément de machine-outils "made in Japan", stimulant de fait le commerce extérieur nippon. Cet "effet Chine" est important: bien que les échanges avec ce pays ne représentant que 13% du commerce extérieur japonais, leur progression a été considérable sur les trois dernières années (+3 points de pourcentage). Désormais, la part des échanges entre le Japon et les pays de l'Asean s'élève à 46,3%, contre 24,6% pour les Etats-Unis.
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