Le modèle Hewlett-Packard

Patricia Dunn, présidente du conseil d'administration de Hewlett Packard, nous l'expliquait en ces termes voici à peine deux mois(1): "Fondamentalement, ce qui fait la valeur des entreprises américaines aujourd'hui, c'est la gestion de ce que j'appellerais la chaîne des valeurs, la gestion de leur marque et leur capacité à innover. Et le facteur le plus important dans tout cela, c'est la flexibilité du travail", ajoutait-elle. "Les entreprises européennes n'ont pas la même possibilité de se transformer, au fond, en gestionnaires de réseaux plutôt que de demeurer des fabricants."Patricia Dunn n'a pas de responsabilité opérationnelle chez HP. Il ne lui revient pas de décider si l'entreprise doit licencier, et où. Mais c'est à elle et à ses collègues du conseil d'administration que le nouveau patron opérationnel, Mark Hurd, doit rendre des comptes. C'est pourquoi sa vision mérite que l'on s'y arrête.Que dit-elle? Que les multinationales des Etats-Unis doivent donc aujourd'hui remplir, pour réussir, trois fonctions essentielles. D'abord, innover. C'est la raison pour laquelle HP consacre quatre milliards de dollars à la recherche-développement, l'équivalent de son bénéfice imposable de l'année écoulée. Ensuite valoriser sa marque. C'est le marketing au sens large, dont le géant de Palo Alto ne révèle pas le budget, mais qu'il considère clairement comme une priorité absolue. Jusque-là, rien de très surprenant.C'est la troisième fonction qui marque une réelle rupture. HP ne revendique désormais pas plus le titre de fabricant que celui d'industriel, mais celui de "gestionnaire de réseaux". Autrement dit, son activité consiste à rechercher dans le monde entier les meilleurs composants aux meilleurs prix, et le meilleur lieu pour les assembler, le tout, naturellement, au moindre coût. "C'est cela que j'appelle la chaîne des valeurs," poursuit la présidente du CA. "Nos composants proviennent tout aussi bien d'Europe que de Singapour ou de Taiwan, ils sont assemblés en Chine ou ailleurs..." Ce savoir-faire, cette gestion d'un réseau mondial d'une extrême complexité a une valeur très importante que les statistiques économiques ne savent pas encore mesurer, souligne-t-elle.Cette explication, bien sûr, ne trouvera pas grâce aux yeux des salariés français de HP. Pas plus que ne les rassurera ce diagnostic, lui aussi signé de Patricia Dunn: "Les perspectives de nouveaux investissements en Europe occidentale sont limitées par le fait qu'il est très difficile de revenir en arrière, de se désengager si c'est nécessaire une fois qu'on y a investi." Vues de Californie, les réactions françaises aux suppressions d'emplois annoncées viendront inévitablement conforter ce jugement.(1) La Tribune, 13 juillet 2005
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