Dermot Ahern, ministre irlandais des Affaires étrangères : "Aucun accord sur le budget européen si Londres ne bouge pas"

La Tribune.- La présidence britannique tarde à mettre sur la table des propositions sur le budget européen et insiste pour lier le rabais britannique à la réforme de la PAC. Comment jugez-vous la situation?Dermot Ahern.- La politique agricole commune a déjà été réformée en 2002-2003. Des changements doivent encore intervenir, s'étalant dans la période 2007-2013. Pourquoi vouloir entamer d'autres réformes avant même que les précédentes aient produit leurs effets? Nos agriculteurs doivent encore s'y adapter. Toute réforme de la PAC n'est donc envisageable qu'après 2013. Ceci est pour nous clair et net.L'insistance des Britanniques à ne pas céder sur le rabais sans réforme de la PAC est-elle raisonnable?Londres se comporte comme un éléphant tapi dans un coin qui n'a pas encore décidé de bouger. Tant qu'il ne fera pas un pas, je ne vois pas de possibilité d'un accord sur le budget au sommet de décembre sous la présidence britannique. Nous n'avons pas encore de document sur la table. Or, pour parvenir à un accord, il aurait fallu avoir sur la table des propositions précises, un texte sur lequel discuter et avoir, le cas échéant, le temps de préparer les opinions publiques à des éventuels changements. Le Royaume-Uni a certes des raisons pour défendre le principe du rabais, mais aujourd'hui nous sommes face à une nouvelle donne: l'élargissement de l'Union européenne. Les pays riches doivent y contribuer. Dans ce contexte, une solution serait de geler le rabais britannique pour que son montant ne s'aligne pas sur les augmentations du budget.Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères, annonce pourtant vouloir présenter des 'changements significatifs' sur le budget début décembre. Qu'en pensez-vous?Je pense que toute proposition ne doit pas s'éloigner du texte présenté par la présidence luxembourgeoise en juin. Nous sommes prêts nous-mêmes à quelques rectifications, mais proposer des changements significatifs ou s'en éloigner radicalement risquerait de mettre en cause tout le système plutôt que d'oeuvrer à un rapprochement des positions. Certains auraient voulu modifier la PAC via les négociations à l'OMC. Etes-vous satisfait du comportement de Peter Mandelson, le commissaire européen?Nous étions, comme la France, inquiets que Peter Mandelson soit allé trop loin et qu'il ait dévoilé trop vite tout son jeu. Ce n'est pas une bonne chose dans la négociation. Nous sommes intervenus pour qu'il agisse dans le cadre de son mandat. Il faut reconnaître qu'il a pris acte des inquiétudes et a même promis de ne pas formuler de nouvelle offre sur l'agriculture avant le sommet de Hong-Kong. Je pense aussi que l'attention s'est trop focalisée sur le volet agricole et qu'il faudrait davantage prendre en compte les autres dossiers.Dans un autre domaine, êtes-vous favorable à l'harmonisation fiscale en Europe?Non, nous pensons que chaque Etat doit avoir une marge de manoeuvre.L'Irlande va devenir pour le prochain budget un contributeur net alors qu'elle était jusqu'alors un bénéficiaire net. Comment appréhendez-vous cette nouvelle donne?Nous sommes tout à fait préparés au fait de devenir contributeur net au budget européen. Nous sommes conscients qu'en vertu de notre richesse acquise, il nous faut prendre nos responsabilités au sein de l'Europe des 25. Nous n'avons aucune crainte envers l'élargissement de l'UE. Nous avons été l'un des trois pays, avec le Royaume-Uni et la Suède, à ne pas avoir fermé les portes aux travailleurs de l'Europe de l'Est après le 1er mai 2004.La construction européenne est en panne aussi après les "non" français et néerlandais au Traité constitutionnel. Quelle est, selon vous, la voie à suivre?Nous avons pris acte des "non" aux référendums, qui sont un acte suprême de démocratie, et doivent être respectés en tant que tels. Mais que dire alors de ces pays qui ont, en revanche, approuvé le Traité, certains, comme l'Espagne, également par référendum? Il faut respecter leur volonté aussi. Je me souviens que quand l'Irlande a dit "non" par référendum au Traité de Nice, tous les autres pays lui ont demandé de reposer la question à ses concitoyens. Ce qui fut fait. Ainsi, nous partageons l'idée d'une période de réflexion sur la construction européenne, mais nous n'interprétons nullement cette réflexion comme un enterrement définitif du Traité ou du processus constitutionnel au sens large.Le Premier ministre irlandais: "aucune révision de la PAC avant 2013"Rencontrant à son tour la presse internationale, le Premier ministre irlandais Bertie Ahern (aucune relation de parenté avec son ministre des Affaires étrangères) a été encore plus ferme sur la question du budget européen. Selon lui, "la réforme de la PAC telle qu'elle a été approuvée en 2002-2003 est un acte qui engage tous les gouvernements qui l'ont signée. L'accord a été conclu à l'arraché, je dirais dans le sang. Ce ne fut pas une discussion académique. En tant que Premier ministre d'Irlande, j'y ai engagé mon honneur et j'ai expliqué le traité à mon pays qui l'a accepté. On ne peut pas dire aujourd'hui que l'accord n'est pas contraignant. Aucune révision de la PAC ne pourra intervenir avant 2013".
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