"Le ralentissement du commerce mondial ne devrait pas affecter l'économie chinoise"

latribune.fr - Le dynamisme de l'économie chinoise en 2004 constitue-t-il une surprise ?Hervé Liévore - Absolument pas. La Chine a même dépassé nos prévisions de croissance. Nous anticipions un taux de croissance du PIB de 9,3% en 2004. Il aura finalement atteint 9,5%. Certes, nous attendions une décélération de la croissance au second semestre, affectée par les mesures anti-surchauffe mises en place par le gouvernement. Mais les effets de ces mesures, destinées à limiter les investissements publics et privés en relevant notamment les taux de réserve obligatoires, tardent à se faire sentir. Après avoir bondi de 27,7% en 2003, ils ont encore augmenté de 25,8% l'année dernière.Pour quelles raisons l'impact de ces mesures a-t-il été si faible ?Deux éléments sont venus contrecarrer les plans de Pékin. Après une très médiocre récolte en 2003, le gouvernement de Wen Jiabao a été obligé de favoriser les investissements agricoles car assurer l'indépendance alimentaire est une priorité nationale absolue. Par ailleurs, les investissements directs étrangers, sur lesquels le gouvernement n'a pas toujours la main, ont sensiblement augmenté en 2004, après avoir stagné autour de 50 milliards de dollars en 2002 et 2003.Quels ont été les secteurs qui ont tiré l'économie ?Il est en fait difficile de trouver un secteur qui ne soit pas dynamique en Chine ! Ceci étant, la métallurgie, que ce soit pour les métaux ferreux ou non ferreux, est en pleine explosion, stimulée par les investissements publics considérables en infrastructures. Le bâtiment, dopé par les énormes besoins en logement, les produits bruns et blancs, fortement demandés par une population chinoise qui s'équipe de plus en plus, sont également très dynamiques.Ces secteurs soutiendront-ils à nouveau l'économie en 2005 ?Sans aucun doute, même si selon nos estimations, la croissance chinoise devrait ralentir aux alentours de 8,5% cette année. Les mesures prises par le gouvernement pour éviter la surchauffe de l'économie devraient finir par produire leurs effets. L'incertitude réside sur le niveau des investissements en infrastructures que le gouvernement pourrait engager et qui soutiendraient l'économie. En effet, si le développement du littoral chinois est déjà bien avancé, celui des régions occidentales n'en est encore qu'à ses débuts. Toutefois, si le gouvernement est cohérent, il devrait limiter également ces investissements qui tirent en partie l'économie chinoise. Quoiqu'il en soit, le gouvernement ne souhaite pas un ralentissement trop brutal de son économie, car en dessous de 7% de croissance du PIB, les créations d'emplois seraient insuffisantes pour assurer la stabilité sociale.Le ralentissement du commerce mondial anticipé en 2005 peut-il avoir des conséquences néfastes sur l'économie chinoise ?S'il est trop brutal, la Chine serait logiquement affectée. En revanche, si le ralentissement est modéré, ce que semblent prévoir les économistes, la Chine devrait être peu touchée. En effet, dans ce cas, la compétitivité prix des produits "made in China" serait un formidable atout.Quelles sont les réformes indispensables à la transition vers l'économie de marché ?Deux réformes doivent être rapidement menées. D'ailleurs, conscient de la nécessité de ces réformes, le gouvernement a d'ores et déjà lancé ces chantiers. Le premier, et certainement le plus important, concerne l'assainissement du secteur bancaire. Les banques chinoises sont très fragilisées par d'importantes créances douteuses. Procéder à leur recapitalisation, par exemple en utilisant les colossales réserves de changes détenues par la banque centrale, permettrait notamment de résoudre ce problème. Doter de moyens supplémentaires les structures de cantonnement qui rachètent les créances douteuses pourrait également constituer une solution envisageable.Par ailleurs, les banques chinoises doivent "occidentaliser" leur comportement en développant une véritables culture de gestion du risque. De plus, très atomisé, le système bancaire chinois souffre de la décentralisation des établissements de crédits. Les banques situées dans les provinces ont une trop grande autonomie et obéissent finalement peu à la stratégie de groupe. Appartenant à des collectivités locales qui ont pour objectif de préserver les emplois et assurer la paix sociale, elles continuent d'octroyer facilement des crédits aux entreprises et aux ménages de leur région. Elles ont des préoccupations plus locales que nationales en somme.L'autre chantier concerne l'achèvement de la libéralisation des mouvements de capitaux. Une telle réforme devrait favoriser les flux d'IDE (investissements directs étrangers) aussi bien entrant - notamment en facilitant les rachats et les cessions de sociétés chinoises par des étrangers - que sortant de Chine en permettant aux entreprises chinoises de prendre des participations dans des sociétés étrangères.Réclamée par les pays industrialisés, la réévaluation du yuan est-elle à l'ordre du jour ?La fin du "peg" yuan/dollar ne devrait pas intervenir cette année, malgré les demandes pressantes des pays du G7. Les dirigeants chinois, très à cheval sur leur indépendance, ont été clairs sur ce point. Si le yuan devait être réévalué, il ne le serait que progressivement. On peut, à juste titre, se demander si les structures de marché existant en Chine permettraient la mise en place d'un régime de change du yuan qui reposerait sur le jeu des forces de marché. Il faudrait plutôt résoudre ce problème et moderniser les structures de marché de ce pays qui est, je le rappelle, encore en voie de développement, avant de penser à modifier le taux de change de sa monnaie. Chaque chose en son temps.Quels seraient les avantages et les inconvénients pour la Chine d'une variation du taux de change ?La réévaluation du yuan permettrait de réduire la masse monétaire de la Chine et donc de maîtriser les risque inflationnistes qui sont au demeurant très faibles. L'inconvénient majeur serait le renchérissement des exportations. Toutefois, cette perte de compétitivité pourrait être facilement compensée par un ajustement des coûts salariaux. De plus, la hausse du yuan abaisserait mécaniquement le prix des composants importés qui sont ensuite assemblés et réexportés vers les pays industrialisés.Et pour les pays industrialisés ?La hausse du yuan donnerait un peu d'air à des secteurs déjà condamnés comme le textile. Mais ce serait de toutes façons reculer pour mieux sauter. De plus, la réévaluation du yuan pèserait sur les marges de nombreuses entreprises qui importent des produits chinois. Les comptes d'entreprises comme Wal Mart, ou les distributeurs européens, qui effectuent l'essentiel de leur approvisionnement en Chine, seraient mécaniquement affectés par une réévaluation du yuan. Avec les conséquences sociales que l'on peut imaginer.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.