Les trois opérateurs français de téléphonie mobile épinglés pour entente

Par latribune.fr  |   |  734  mots
Tout le monde s'en doutait, mais cette fois les opérateurs téléphoniques sont montrés du doigt nommément et risquent gros. Selon l'hebdomadaire satirique le Canard Enchaîné, les trois opérateurs de téléphonie mobile français sont "accusés d'avoir conclu un 'Yalta du Portable' ". Autrement dit, s'être entendus sur leurs pratiques de prix sur une période longue, afin de se partager le gâteau du marché du portable.Selon l'hebdomadaire, la DGCCRF dénonce dans un rapport à paraître un "accord occulte sur une longue période" ayant abouti à une "forte inertie des parts de marché". Le conseil de la concurrence devrait rendre son verdict d'ici la fin de l'année et pourrait sanctionner fortement financièrement les trois opérateurs pour entente illégale. Un analyste financier parisien a tout de même tempéré, soulignant que "la sanction maximum qui peut être infligée est de 10% du chiffre d'affaires mais il est très peu probable qu'elle atteigne ce montant".A l'origine de ce rapport, une plainte déposée par l'association de consommateurs UFC-Que Choisir en février 2002 devant le Conseil de la concurrence, dénonçant un accord entre les trois opérateurs sur leurs pratiques tarifaires et le décompte des secondes, sur une période allant de 1997 à 2002, aboutissant à une entente sur le mode de facturation. Selon le rapport de la DGCCRF, les opérateurs se réunissaient tous les mois pour se partager le marché et négocier les tarifs et le mode de facturation à mettre en place dans ce but. Aujourd'hui, le marché de la téléphonie mobile en France est réparti entre Orange (47,3% du marché), SFR (35,8%) et Bouygues Telecom (16,9%). En réaction à cette publication, SFR a publié un communiqué dans lequel l'opérateur "conteste vigoureusement l'existence de toute entente ou d'un quelconque 'contrôle' du marché de la téléphonie mobile en France" et s'insurge contre la notion de "réunions secrètes" mensuelles, qui ne correspond, selon le groupe, "à aucune accusation du dossier". Orange a affirmé de son côté n'avoir "aucun commentaire à faire s'agissant d'une procédure en cours". La filiale de France Télécom "réserve l'ensemble de ses arguments au Conseil, sur la base d'éléments juridiques précis et de nombreuses analyses et études économiques qui permettent de rétablir la réalité très concurrentielle du marché des mobiles en France".Enfin, Bouygues Telecom conteste "formellement les conclusions de l'enquêteur de la Direction Générale de la Concurrence chargé d'analyser les relations entre les trois opérateurs". L'opérateur souligne par ailleurs qu'il est "absurde d'affirmer que Bouygues Telecom a pu être partie à une entente qui aurait eu pour effet de cantonner sa part de marché à un niveau très inférieur à celui des opérateurs comparables en Europe". Outre le fait que cette histoire montre que les consommateurs ont été lésés pendant plusieurs années, l'article met en avant l'implication de Thierry Breton, président de France Télécom (maison mère d'Orange) à l'époque des faits et actuellement ministre des Finances. Concernant les faits mettant en cause Thierry Breton, le ministère des Finances souligne que "l'enquête porte sur 1997-2002 avant son arrivée" au ministère et qu'il n'a "aucune intention d'influencer les décision du conseil".En début d'après-midi, le député PS des Landes, Henri Emmanuelli, a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur cette affaire. Il demande surtout un eclaircissement sur le rôle de Thierry Breton à l'époque des faits. Pour lui, cette accusation pose "la question de la compatibilité des fonctions du ministre ayant sous sa tutelle l'administration chargée de l'enquête et son éventuelle implication dans ce dossier", a t-il souligné.Pour la petite histoire, les trois opérateurs français avaient déposé un pourvoi devant la cour de cassation dans le but d'interdire à la DGCCRF de mettre son nez dans leurs affaires... Dans un arrêt du 25 février 2005, ils ont été tout simplement déboutés de leur demande, laissant la DGCCRF chercher "la preuve de pratiques anticoncurrentielles" dans le secteur de la téléphonie mobile.Le marché ne semble pas étonné par la nouvelle. A la côture, Bouygues Telecom perdait 1,81% à 36,32 euros et France Télécom cédait 2,04% à 24,93 euros.