latribune.fr- Que craignent les banques françaises face à la création de la Banque Postale?Mohammed Agoumi- La Banque Postale va débarquer sur le marché bancaire avec ses 17.000 guichets. Les banques françaises considèrent que ce nombre important de points de vente est anormal. Elles estiment qu'il y a une distorsion de concurrence. Et alors que le marché bancaire est déjà mature, elles craignent que leurs parts de marché et leurs marges baissent en France. Par ailleurs, les banques françaises estiment que la Banque Postale bénéficie de subventions déguisées grâce à son adossement à l'établissement public La Poste. Elles se plaignent du fait que la Banque Postale bénéficie gratuitement de la puissance de la marque La Poste.Les banques redoutent également une forte croissance de la Banque Postale dès ses débuts...En effet, La Poste affiche un coefficient d'exploitation (charges rapportées aux revenus) de 95%, ce qui est très élevé comparé à celui des grandes banques françaises qui s'établit autour de 65%. La Commission bancaire impose à la Banque Postale de diminuer rapidement son coefficient d'exploitation. Mais à cause de son important parc d'agences déjà existant, elle ne peut réduire massivement ses coûts fixes. La Banque Postale est donc contrainte d'acquérir rapidement des parts de marché pour augmenter ses revenus.Peut-on s'attendre à une baisse des revenus dans la banque de réseau pour les grandes enseignes?Cela dépendra du développement de la Banque Postale. Si elle répond aux exigences de la Commission bancaire en termes de coefficient d'exploitation, la Banque Postale devra augmenter massivement ses revenus. La filiale de La Poste vise tout de même une augmentation du produit net bancaire (PNB - les revenus) de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, ce qui représente presque la moitié du PNB de LCL. On peut donc s'attendre à une baisse des revenus pour les grandes banques de réseaux. Un déplacement de 200 à 300 millions d'euros par an dans le secteur n'est pas exclu.Quelles sont les banques les plus exposées à la concurrence de la Banque Postale?Même si personne ne sait réellement comment la Banque Postale va se développer, les banques les plus concernées sont les groupes mutualistes comme les Caisses d'Epargne, le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel et les Banques Populaires. Ces quatre banques pourraient être confrontées à une évolution du marché du crédit si la Banque Postale se positionne avec une politique de "low cost" (bas coûts). De plus, elles devront faire face à la puissance de feu des 7.000 agents financiers de la Banque Postale ainsi qu'à ses 17.000 guichets. A titre de comparaison, la plus grande banque française, le Crédit Agricole, compte à ce jour 7.000 agences.Les groupes Société Générale, BNP Paribas et LCL sont-ils plus protégés?Oui, car ces trois banques possèdent une clientèle diversifiée, plus aisée financièrement et qui habite dans les zones urbaines dans sa grande majorité, alors que les banques mutualistes disposent d'une clientèle de masse, plus rurale et moins équipée en services bancaires. Ce type de clientèle est beaucoup plus proche de celle de la Banque Postale et donc plus exposé à sa concurrence. Contrairement à la Banque Postale, Société Générale, BNP Paribas et LCL diversifient leurs revenus avec des produits bancaires annexes qui dégagent des marges importantes. De plus, la filiale bancaire de La Poste aura du mal à concurrencer ces banques dans la banque privée où elles sont très implantées.Comment les banques réagissent-elles face à la concurrence de la Banque Postale?Dans le domaine de la collecte des crédits, les banques ont déjà commencé à réagir depuis environ deux ans avec le développement de produits annexes. Elles ont créé des produits financiers très innovants qui devraient gêner la Banque Postale. De plus, les établissements bancaires développent le conseil en agences en augmentant le nombre de conseillers. L'idée est de renforcer les fonctions commerciales par rapport aux fonctions administratives qui peuvent être plus automatisées. D'importants efforts marketing ont également été fournis comme on peut le voir avec les nouvelles campagnes publicitaires de LCL, du Crédit Agricole, ou encore du CIC.La création de la Banque Postale aura-t-elle un impact aussi fort que les craintes qu'elle suscite?C'est le plus fort virage dans le secteur depuis le désencadrement du crédit dans les années 80. A l'époque, le marché du crédit était passé des quotas de distribution à la libéralisation, ce qui avait largement contribué à développer le marché bancaire grâce au crédit. L'arrivée de la Banque Postale est une deuxième révolution qui soulève les questions du nombre de guichets en France, des banques "low cost" ou encore de la multi-distribution. A ce sujet, il ne serait pas exclu que la Banque Postale n'intervienne que dans la distribution des produits financiers. La gestion serait alors transférée à d'autres banques.

latribune.fr

19 Oct 2008, 20:01

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