Game Over ?

Comment une obscure société basée à Gibraltar peut-elle se hisser en deux mois au rang de 50ème plus grosse capitalisation britannique et peser l'équivalent de deux fois la capitalisation de TF1? La réponse est: "dot com". Non, vous ne rêvez pas, cinq ans après, on nous refait le coup de la bulle, de la start-up Internet aux perspectives de croissance mirobolantes. PartyGaming, qui revendique le rang de leader mondial du poker en ligne, a vu sa valeur gonfler de 50% dans le mois qui a suivi son entrée à la fin juin sur le marché des valeurs de croissance de la City, l'Alternative Investment Market, jusqu'à dépasser 10 milliards d'euros fin juillet! Pourtant, l'introduction sentait le soufre, les dirigeants de PartyGaming étant interdits de territoire aux Etats-Unis où le site génère 86% de son activité, jugée illégale par le gouvernement fédéral. Mais gagnés par la fièvre du jeu, les investisseurs ont balayé d'un revers de manche ces risques pour miser gros sur cette partie qui leur semblait devoir être particulièrement lucrative. Las! PartyGaming a dû abattre ses cartes et laisser le bluff à ses clients en ligne. Le rouge est mis, celui du "warning": non pas le bon vieux "profit warning" de la société aux marges compressées mais un "avertissement de croissance", le plus mauvais tour que puisse réserver une jeune pousse à ses actionnaires avec deux mois d'histoire boursière. Le site n'a pu cacher sous le tapis vert les statistiques très attendues par le marché, à savoir la croissance du temps passé en ligne par ses clients actifs. De 102% au premier semestre, elle est tombée à moins de 60% en juillet et août, donc juste après l'introduction, un ralentissement inacceptable pour les affamés de croissance de la Bourse. Inquiétante perte de parts de marché ou phénomène temporaire dû au décalage du championnat de poker cette année? Trop tôt pour le dire selon tous les professionnels et experts du secteur. Mais la City, elle, a sifflé le retour à la réalité et à la case départ, en dilapidant en une séance, mardi, 33% de la valeur de PartyGaming, environ 2,8 milliards d'euros... L'action est ainsi retombée sous son prix d'introduction, qu'elle n'a toujours pas retrouvé malgré les 7% regagnés depuis. Même coup du sort pour les autres sites de jeu d'argent en ligne à Londres qui ont vu leur valorisation largement revue en baisse. Beaux joueurs, les experts du FTSE 100 ont tout de même laissé rentrer PartyGaming, qui pèse encore 6,7 milliards d'euros, dans ce prestigieux indice londonien qui sert de "benchmark" à plus de 40 milliards d'euros d'actifs: le titre y occupera le 65ème rang. La partie n'est donc pas finie pour le site de poker qui évolue désormais sous haute surveillance et devra faire ses preuves, comme toute jeune recrue de la Bourse. Son atout de maître reste son impressionnante rentabilité, à plus de 55% de marge d'exploitation, à la différence de feu les dotcoms. L'infortune de PartyGaming aura montré que les investisseurs, pas totalement amnésiques quant aux folles années 1999-2000, sont aujourd'hui plus prompts à détecter l'arnaque ou le miroir aux alouettes. Quitte à retirer leurs billes avant de tout perdre.
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