La CNIL pleure misère

Rien ne va plus à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). C'est un ton volontairement dramatique qu'a employé Alex Türk, à l'occasion de la conférence destinée à présenter le traditionnel bilan d'activité annuel. Mais, plutôt que parler des chiffres, Alex Türk a pris le parti de présenter la situation personnelle dans laquelle se trouve la CNIL, n'hésitant pas à clamer que la Commission était "en danger". "Nous ne sommes pas en mesure d'appliquer la loi informatique et liberté d'août 2004 qui modifie la loi de 1978", a-t-il affirmé. "La loi nous donne un pouvoir suffisant. Mais la vraie question réside dans les moyens dont nous disposons", a martelé le président.Ainsi, la CNIL a adressé il y a quelques semaines un rapport au Premier ministre, dont elle a finalement décidé de rendre publiques les grandes lignes. La Commission demande donc une augmentation significative de ses moyens. Notamment, elle réclame une augmentation de ses crédits de 134% sur quatre ans et un doublement de ses effectifs. Actuellement, la CNIL emploie 80 personnes et dépense environ 7 millions d'euros par an. Elle estime qu'elle devrait disposer d'un effectif supérieur à 200 agents "afin d'effectuer correctement sa mission".Et de souligner dans son rapport qu'en comparaison avec l'ART pour les télécoms ou le CSA pour l'audiovisuel, la CNIL reste le parent pauvre des autorités de régulations. Si l'on rapporte le budget de fonctionnement au nombre de postes, la CNIL dispose de 27.600 euros, contre 58.000 euros pour la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et 115.000 euros pour le CSA.De fait, la loi d'août augmente les obligations de la CNIL. "Elle inverse le processus des formalités en l'assouplissant. Ce qui oblige à accroître les contrôles a posteriori", explique Alex Türk. Autre mission de la CNIL: la mise en oeuvre d'un pouvoir de sanction, qui prendra la forme d'une formation restreinte, composée de six membres de la Commission, amenée à se réunir de façon hebdomadaire. Un système là aussi "très lourd à gérer". En outre, la CNIL devra animer un réseau de correspondants dans les entreprises et les collectivités locales chargés de veiller à la protection des données, et qui permet à ceux qui choisissent de l'adopter de bénéficier d'un allégement des formalités déclaratives. Mais pour que le système fonctionne, il faut que la Commission ait en interne des homologues capables de répondre à ces correspondants. Alors que le décret d'application doit être voté en juin, la CNIL a affirmé qu'elle ne serait pas prête avant l'automne, voire en début d'année prochaine.En attendant, la CNIL, qui doit analyser dans l'urgence une vingtaine de décrets, a pris du retard sur ces dossiers et s'en est plainte auprès du ministère des Finances. D'autant qu'elle a aussi souligné la surcharge de travail due au traitement des grands projets du secteur public - la carte d'identité électronique, le dossier médical personnalisé, l'administration électronique... - où la CNIL voit son rôle se renforcer.La CNIL tire la sonnette d'alarmeConcernant son activité 2004, la Commission a surtout dénoncé dans son rapport les "dérives" de l'utilisation de fichiers de police, notamment du système de traitement des infractions constatées (STIC) pour l'embauche de personnels de sécurité ou de la défense. La Commission a constaté des erreurs dans 26% des vérifications opérées dans les fichiers STIC. En outre, concernant le projet de nouvelle carte d'identité électronique (projet INES) qui aurait obtenu le feu vert du gouvernement (lire ci-contre), Alex Türk a assuré n'être toujours au courant de rien et se plaint même d'avoir reçu des informations contradictoires sur le caractère obligatoire ou pas du futur document d'identité. Or, selon nos informations, la nouvelle carte devrait être obligatoire à partir de 2013. Même flou artistique sur la centralisation des données, issues des cartes d'identité, des fichiers d'empreintes et des photos numérisées inclue dans le projet Villepin et sur lequel la CNIL n'a pas non plus été saisie.
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