"Pour Bolloré, l'entrée chez Havas est une prise de pouvoir sans OPA"

latribune.fr- A quoi faut-il s'attendre si Vincent Bolloré arrive à imposer ses administrateurs au conseil d'Havas?Samir Essafri- Si Vincent Bolloré fait son entrée au conseil d'Havas, ce qui ne semble pas impossible au vu des 20% que le groupe détient et de la position fragilisée du management en place, on peut lui faire confiance pour qu'il optimise la valeur de sa participation dans le groupe publicitaire. Je ne pense pas qu'il puisse améliorer fondamentalement la gouvernance. Celle-ci est, sur le plan formel, plutôt de bonne qualité chez Havas, car des efforts substantiels ont été réalisés. En revanche, en entrant au conseil Bolloré augmenterait les contre-pouvoirs et consoliderait une capacité d'influence solide en se faisant plus exigeant sur les performances du management en termes de résultats et d'orientation stratégique. Rappelons que Havas a historiquement sous-performé son secteur avec notamment une maîtrise sous-efficiente de sa base de coûts. Un des scénarios possibles, en cas d'entrée, serait de renouveler purement et simplement le management à brève échéance, afin de permettre une rupture dans la stratégie, une vente de certains actifs, ou encore une opération sur la totalité du groupe à moyen terme.Quel est selon vous l'objectif de Vincent Bolloré?Il s'agit typiquement d'une stratégie de prise de pouvoir sans OPA. Vincent Bolloré s'inscrit définitivement dans une logique de conflit et de déstabilisation du management. Il faut y voir une volonté claire de la part de l'industriel breton de faire basculer le rapport de force. En imaginant la présence très probable du soutien d'au moins un administrateur indépendant et avec quatre administrateurs le rapport de force sera critique. Par ailleurs, des rumeurs de vente probable de sa flotte de bateaux de logistique (ainsi que les marges de manoeuvre financières que cela pourrait lui donner), continuent d'entretenir la spéculation, et de mettre habilement sous pression la direction du groupe. Cette pression est-elle dans l'intérêt des investisseurs?En Bourse, cette tension se traduit par une volatilité accrue sur le titre avant l'assemblée générale du groupe, le 9 juin. Pour leurs parts, les investisseurs, institutionnels ou financiers, sont dans leur rôle en favorisant le soutien à Bolloré au conseil puisque cela continue d'alimenter la composante spéculative et la dynamique positive sur le titre. Reste qu'en termes de valorisation fondamentale, Havas nous semble - au mieux - à son prix en Bourse. Justement, le fait que la spéculation soutienne le titre Havas n'est-il pas un rempart à une OPA?La valorisation peu attractive peut effectivement constituer un frein à une opération capitalistique sur la totalité du groupe. Cette dernière possibilité est d'ailleurs à prendre avec beaucoup de recul, car les principaux prédateurs ont déjà la taille critique, et n'ont pas un impératif structurel à intégrer Havas. Les acheteurs potentiels sont en tout état de cause en position de force, même si les cibles telles qu'Havas, dans un secteur en profonde recomposition, se font de plus en plus rares.
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