Jacques Gounon plébiscité à la tête d'Eurotunnel

Ce qui devait être une guerre fratricide entre deux camps de forces égales s'est transformé en véritable plébiscite: l'assemblée générale d'Eurotunnel qui se tenait vendredi après-midi à Coquelles a été marquée par une victoire sur toute la ligne de Jacques Gounon, le PDG de l'exploitant du tunnel sous la Manche. Ce dernier a en effet été confirmé par les actionnaires avec un score de... 98% des voix! Si la bataille annoncée n'a pas eu lieu, c'est parce que l'assemblée générale d'Eurotunnel a été marquée par un retournement de situation inattendu: le ralliement du principal opposant à Jacques Gounon. Ces dernières semaines, deux camps s'affrontaient directement. Le premier, qui inclut les associations de défense d'actionnaires minoritaires Adacte, Adam et le cabinet Deminor, et trois sociétés de conseil indépendantes, ISS, ABI et Pirc, soutenait Jacques Gounon. Dans l'autre camp, se trouvaient le très contesté Nicolas Miguet et Nicolas Martin du Nord, son collaborateur en charge des affaires de l'éditeur depuis 1997. Ces derniers étaient censés soutenir le duo Jean-Louis Raymond, directeur général démissionnaire, et Hervé Huas, ex-directeur général chargé des finances. Et ce même si Jean-Louis Raymond avait tenté de se démarquer de Nicolas Miguet.Il avait d'ailleurs raison de garder ses distances avec l'éditeur de lettres financières: Nicolas Miguet et son collaborateur ont en effet pris la décision jeudi à 21h30 de lâcher Jean-Louis Raymond et Hervé Huas, pour se ranger au côté du favori, Jacques Gounon. "J'ai décidé en tant qu'actionnaire principal et structurant de l'entreprise de jouer la carte de l'unité", a déclaré Nicolas Miguet au cours de l'AG. Ce dernier, qui possède à titre personnel 0,25% du capital de l'entreprise, en revendique plus de 20% en tout pour son camp. Il s'agirait là d'une décision de raison, le camp Miguet ayant constaté que sinon, il serait minoritaire aujourd'hui. Ainsi lâché en rase campagne, Jean-Louis Raymond a d'ailleurs reconnu sa défaite. Jacques Gounon "a gagné", a-t-il déclaré aux actionnaires, "lui et moi, on a eu des différends, le président a gagné, mettez-vous derrière".Confirmé dans ses fonctions, Jacques Gounon va ainsi pouvoir s'attaquer aux problèmes de fond de son groupe. Evoquant les discussions en cours avec les créanciers, le PDG a affirmé à l'ouverture de la réunion que "si les négociations échouent, le dépôt de bilan est incontournable pour 2007". "La situation est grave, je ne vous apprends rien, mais on ne va pas se laisser mourir, nous allons nous battre pour éviter le dépôt de bilan". Il faut dire que la société croule sous une dette de 9 milliards d'euros, qu'elle est incapable d'honorer. En 2004, elle a subi une perte de 820 millions d'euros. Pour sortir de l'impasse, Jacques Gounon a donc lancé le 20 avril dernier un processus formel de renégociation avec les créanciers de l'entreprise.Cette AG haute en couleurs a mobilisé ses actionnaires. Selon le dernier décompte officiel communiqué vendredi matin par la société, le nombre de votants inscrits était de plus de 80.000 actionnaires, représentant 45% du capital. Cette mobilisation est de 30% supérieure à celle de 2004, a précisé Eurotunnel. Cela "montre l'attachement des actionnaires à leur entreprise et leur volonté de soutenir la renégociation de la dette", s'est félicité Jacques Gounon dans un communiqué.
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