Grand-messe, petits offices ?

On les appelle volontiers des "grand-messes": les sacro-saintes assemblées générales annuelles d'actionnaires, notamment celles des ténors du CAC 40, ont pris l'habitude de dépasser largement les deux heures autrefois quasi réglementaires pour s'étirer sur trois voire quatre heures. Bien plus qu'il n'en faudrait pour célébrer quelque office religieux! Vivendi a battu tous les records cette année en jouant les prolongations vespérales, clôturant à 20 heures passées sa réunion annuelle commencée à 15 heures...C'est pourtant religieusement que les actionnaires écoutent, le volumineux rapport annuel pour toute bible sur les genoux, le prêche de celui auquel ils s'adressent avec déférence, lui donnant du "Monsieur le président", voire du "Président" tout court, qui ne semble guère déplaire à ces dirigeants dont certains ont renoncé aux ors de la République pour ceux du Pavillon Gabriel, en face de l'Elysée, l'un des temples des AG, avec le Carrousel du Louvre. Toutefois, ledit président aura beau plaider pour sa paroisse, il n'est pas à l'abri dans sa chaire - et Dieu merci - d'un sermon de quelque petit porteur se piquant d'impertinence durant la rituelle séance de questions... Mais outre-Atlantique, la tendance n'est plus au rite. A Houston, au Texas, par exemple, le PDG de la société Maxxam Inc ne s'est pas embarrassé de tant de cérémonie le 25 mai dernier. Il vient de remporter haut la main le record de l'assemblée la plus courte du monde: moins de deux minutes chrono. A peine de quoi prononcer le "Ite Missa Est"! Une prière eut pourtant été fort à propos pour ce conglomérat détenant des intérêts dans le bois, l'immobilier et l'aluminium, en perte de 14 millions de dollars au premier trimestre et dont la filiale papetière s'apprête à se déclarer en cessation de paiement! Une poignée de dirigeants seulement et un journaliste de Reuters étaient au rendez-vous, beaucoup d'actionnaires ayant voté "avec leurs pieds", c'est-à-dire en vendant leurs titres. Les assemblées de Maxxam ne sont plus ce qu'elles étaient, houleuses, animées par des sidérurgistes en grève ou des écologistes venus protester contre l'abattage des séquoias de Californie! Même la première assemblée de Google, il y a deux semaines, que l'on attendait comme un événement, n'a pas attiré les 300 actionnaires anticipés: moins de 200 personnes ont fait le déplacement jusqu'au siège de Mountain View, dans la Silicon Valley. On ne s'étonnera guère que les investisseurs internautes aient préféré la suivre à distance, sur le Web. Mais on pourra regretter que neuf mois après son introduction en fanfare, le moteur de recherche peine à guider ses ouailles jusqu'à lui... Les actionnaires ne seraient-ils donc qu'une communauté d'intérêts de plus en plus virtuelle?
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