Frontière allemande

Même si elles commencent à aller un peu mieux, les banques allemandes sont encore loin de la grande forme. En termes de performances, elles sont toujours à la traîne de leurs homologues européennes. La faute à une économie en panne, mais aussi à une consolidation qui tarde à se dessiner. Le marché bancaire allemand repose, on le sait, sur trois piliers : les établissements privés, les caisses d'épargne et les banques publiques régionales. Trois mondes qui s'ignorent et qui composent le système bancaire le plus éclaté d'Europe. Depuis plusieurs années, les autorités de tutelle et politiques allemandes n'ont cessé d'appeler à cette fameuse consolidation, au sein de chaque pilier tout d'abord puis entre piliers ensuite. Sans résultat. Trop occupées à régler leurs problèmes et à redresser leurs comptes, les banques allemandes ont négligé de s'atteler à cette délicate question. Or, comme cela est souvent le cas, c'est de l'extérieur que vient maintenant la pression. Plus étonnant encore, d'Italie.Officialisé en début de semaine, le projet de rapprochement entre Unicredito et l'HypoVereinsbank (HVB) était dans l'air depuis plusieurs mois. Fragile financièrement, HVB n'avait plus d'autre solution que de trouver un partenaire, et c'est finalement de l'autre côté des Alpes qu'elle semble avoir trouvé chaussure à son pied. Les complémentarités géographiques, notamment dans les pays de l'Est, rendent ce choix cohérent. On peut également noter que les dirigeants des deux établissements font peu de cas des différences culturelles et autres difficultés réglementaires, deux arguments qui servent à beaucoup de banquiers européens à justifier leur immobilisme en matière de fusions transfrontières : si le projet industriel a du sens, les obstacles peuvent toujours être surmontés. Par ailleurs, voir une grande banque italienne partir à l'assaut d'une homologue européenne, au moment où la banque d'Italie multiplie les manoeuvres pour protéger la BNL et Antonveneta des visées du BBVA et d'ABN Amro ne manque pas de sel. Pour Antonio Fazio, l'inamovible gouverneur de la Banque d'Italie, le protectionnisme à du bon, à condition qu'il soit à sens unique. Si contestable soit-elle, cette position semble résister pour l'instant. Personne n'a d'ailleurs oublié que lorsque Dexia envisageait de se rapprocher de Sanpaolo-IMI, la banque d'Italie avait obtenu que le siège du futur établissement soit installé à Milan. Et c'est bien la banque italienne qui prenait le contrôle de sa consoeur franco-belge. Si elle n'avait pas été abandonnée sous la pression des actionnaires belges de Dexia, cette fusion aurait été la première incursion significative d'une banque italienne hors de ses frontières.Si l'opération entre HVB et Unicredito se concrétise, le paysage bancaire allemand en sera bien sûr modifié. Après ce précédent, d'autres opérations sont en effet à attendre. Déjà, les noms d'éventuels prédateurs circulent pour la Commerzbank. Allianz se résoudra peut-être à solder le dossier Dresdner et un grand établissement américain se décidera peut-être à s'offrir une grande franchise outre-Rhin. Au-delà, le paysage bancaire européen pourrait lui aussi évoluer plus rapidement qu'on ne s'y attend. Après l'acquisition d'Abbey National par le SCH l'an dernier, c'est le bastion allemand qui tomberait, ouvrant alors la porte aux grandes manoeuvres tous azimuts.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.