"Les sites de relations investisseurs manquent encore de transparence"

latribune.fr- Vous venez de mener une enquête sur les sites Internet de relations investisseurs des sociétés cotées. Dans ce domaine, l'outil Internet est-il globalement bien intégré par les entreprises ? Nicolas Raynier- On peut dire aujourd'hui qu'Internet a bien été intégré. Notre étude a été réalisée au niveau européen et il en ressort que toutes les entreprises étudiées (celles des grands indices boursiers) possèdent un site avec une rubrique dédiée aux relations investisseurs. Les informations fondamentales y sont présentes (rapports annuels et communiqués à 98% et cours de Bourse à 93%). Il y a toutefois un mais. Les sites de relations investisseurs manquent encore de transparence.Sur quel plan ?J'ai trois exemples intéressants. Seules 20% des sociétés proposent des graphiques de cours permettant de comparer leur performance à celle de concurrents. 18% n'offrent pas la possibilité de télécharger des historiques de cours. Enfin, une société sur deux seulement met en ligne ses réunions d'analystes en mode audio ou vidéo.Certaines sociétés n'ont-elles pas tendance à considérer leur site Internet investisseurs comme une contrainte, un simple centre de coûts ?Nous n'avons pas sur cette question de témoignage précis. Nous n'avons pas mené d'étude. Toutefois, la récente montée en puissance des sites de relations investisseurs est d'après nous le signe que les sociétés ont compris l'intérêt du Web et le rôle qu'il va jouer à l'avenir dans la relation avec l'investisseur. Ce rôle est d'ailleurs central dans les récentes directives européennes en matière de responsabilité des émetteurs dans le cadre de la TOD (Transparency Obligation Directive).Un site est certes générateur de coûts. Mais il doit aussi être considéré comme un investissement générateur à terme d'économies substantielles sur certaines dépenses traditionnelles de communication financière. Un exemple: les coûts de production et de distribution du rapport annuel. Une étude récente de IRMag montrait que 35% des sociétés cotées en Europe dépensent au moins 100.000 euros par an en impression et routage, alors que la réalisation d'un rapport annuel dynamique en HTML ou en Flash mis en ligne sur le site et diffusable électroniquement coûte 10 fois moins cher.Peut-on avoir une idée de la part de budget accordée au Web dans le cadre de la communication financière des entreprises ?Il n'y a pas non plus d'informations fiables sur ce sujet. En revanche les coûts de mise en place et de fonctionnement d'un site de relations investisseurs complet et performant répondant aux meilleures des "best practices" constatées est moins élevé qu'on ne le pense: de l'ordre de 45.000 euros d'investissement initial et de l'ordre de 55.000 euros en frais de fonctionnement annuels. Un site répondant aux attentes minimales peut coûter 2 fois moins cher. Un site réellement ambitieux en matière de marketing financier peut coûter beaucoup plus. Mais rapporté à l'ensemble d'un budget de communication financière, c'est finalement peu.Au-delà du contenu offert, les sociétés tiennent-elles compte des contraintes propres au Web (vitesse de chargement des pages, formats proposés...) ?On peut considérer le développement en plusieurs étapes. Aujourd'hui, un pas important a déjà été fait puisqu'on trouve l'information de base en ligne. Désormais, je pense que nous entrons dans la seconde phase : les entreprises commencent à se pencher doucement sur les problématiques plus techniques mais aussi sur les opportunités que le Web peut apporter. Cela se fait progressivement car aujourd'hui les responsables de communication financière n'ont pas forcément les compétences techniques, alors même qu'ils doivent par ailleurs se consacrer à des tâches de plus en plus exigeantes. Il y a donc des progrès à faire de ce côté là. Par exemple, 50% des sites que nous avons étudiés ne donnent pas accès au cours en moins de trois clics et les deux-tiers mettent leur rapport en ligne en PDF (un format statique) plutôt qu'en Flash ou en HTML, des formats qui autorisent une plus grande interactivité.Quels sont aujourd'hui les meilleurs élèves en termes de relations investisseurs en ligne ?On peut pratiquement couper l'Europe en deux. Globalement, les pays du Nord (Allemagne, Royaume-Uni, France, Suisse) ont de l'avance sur ceux du Sud (Espagne, Italie ou Portugal). Cela est essentiellement dû à l'avance prise par les pays du Nord (notamment le Royaume-Uni) en termes de réglementation sur les marchés.Quelles ont été les évolutions récentes ?Pour les sites ou les sections de relations investisseurs dédiées, on est passé d'une conception de centre d'archivage à une conception de centre d'information et de gestion de la relation à l'investisseur. Le Web permet aujourd'hui à deux sociétés sur trois d'établir un contact personnalisé avec les investisseurs et à 40% des sociétés d'alerter en temps réel les investisseurs qui ont pris l'initiative de se déclarer sur le site. On assiste par ailleurs à l'émergence des solutions multimédia, due à la fois à la baisse du coût des services spécialisés (comme les conférences en ligne) et à l'augmentation de la bande passante.Et pour l'avenir ?Le stade ultime selon nous consistera à faire passer Internet d'une nécessité réglementaire à une véritable opportunité de marketing. Concrètement, cela se traduira par le développement de services interactifs : alertes diverses, portefeuille personnalisé, blogs...Quel est selon vous le profil idéal d'un site de relations investisseurs ?Il doit répondre à trois critères. D'abord, une information complète et transparente doit être disponible. On a vu depuis 18 mois fleurir des sections dédiées à la "corporate governance". Mais souvent, ces sections oublient de donner des informations essentielles comme les rémunérations des dirigeants. Un site doit aussi permettre une navigation simple et intuitive. Quelques sites manquent encore de logique et n'offrent pas de données exploitables (formats inadéquats). Enfin, le site doit être un outil de relation puissant pour la société et l'investisseur. Les deux parties doivent pourvoir échanger des informations. Il est par exemple intéressant de proposer des accès différenciés par type de public: médias, actionnaires individuels, investisseurs institutionnels...Existe-t-il des outils pour mesurer la sensibilité des investisseurs à la qualité de la communication financière en ligne ?Quelques éléments permettent de cerner l'opinion des investisseurs. Nous réalisons chaque année un baromètre de l'image financière des sociétés. L'an passé, 71% des particuliers et 40% des professionnels estimaient qu'il est essentiel pour une société de mettre en ligne son cours de Bourse. Les investisseurs ont aussi des attentes claires et qualifiées. Par exemple, une étude en 2004 de Hallversson & Hallversson a révélé que la moitié des analystes et des investisseurs visite les sites pour obtenir le rapport annuel. D'où l'importance de proposer un format et une navigation adaptés.
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