"L'Europe pourrait entrer en récession avec un baril à 80 dollars"

latribune.fr- Après les incertitudes géopolitiques, ce sont cette fois les craintes sur la consommation de pétrole aux Etats-Unis qui semblent faire grimper les cours. Est-ce également votre analyse ?Moncef Kaabi- Je crois qu'il faut prendre du recul sur la situation. Cela fait deux ans que nous avons établi notre scénario et la problématique reste la même. Même si nous sommes aujourd'hui en période d'excès d'offre, la demande demeure soutenue face à des capacités de production limitées. Au sortir de l'hiver, les prix devraient en toute logique se détendre. Mais comme l'an passé, cela n'a pas été le cas. Il y a une raison à cela. Les marchés, actuellement très nerveux, s'inquiètent du fait que l'offre flirte avec les capacités maximales de production. J'estime désormais à 87,1 millions de barils par jour la capacité de production mondiale. Or, au premier trimestre la demande a été de 85,6 millions de barils par jour. La marge de manoeuvre est réduite.L'Opep envisage un nouveau relèvement de ses quotas. L'Organisation a-t-elle les moyens d'enrayer l'envolée des prix ?Elle a déjà relevé ses quotas l'an passé et cela n'a pas empêché la hausse des prix. Les niveaux envisagés sont trop faibles. Il faudrait un signal fort, c'est-à-dire une augmentation des quotas de 2 à 3 millions de barils par jour d'ici un an, pour que l'Opep ait une influence sur les prix.Une étude d'un courtier américain parle d'un baril à plus de 100 dollars. Est-ce envisageable selon vous ?Ils ont en fait cherché à établir le prix à partir duquel la consommation ralentirait et ont mis en avant un prix de 105 dollars le baril. Je n'écarte pas cette hypothèse. Ce qui constituerait un niveau exceptionnellement haut puisqu'un prix de 85 dollars le baril correspondrait déjà (en devise constante) au plus haut atteint lors du second choc pétrolier.Quelles seraient les conséquences économiques d'un baril autour de 100 dollars ?Cela entraînerait une récession, même avant d'atteindre les 100 dollars. Le pétrole a déjà coûté 0,8 point de croissance au niveau mondial l'an passé. C'est dire l'impact qu'aurait une nouvelle envolée des prix sur les économies à la croissance la plus faible. L'Europe serait à ce titre l'une des premières touchées. Elle pourrait entrer en récession avec un baril à 80 dollars.L'Agence internationale de l'énergie (AIE) travaille sur un scénario de crise avec des mesures pour limiter la demande. Qu'en pensez-vous ?Le problème c'est que l'AIE a toujours un train de retard. A chaque fois, elle est obligée de revoir à la hausse ses prévisions de consommation. Cette fois, je crois qu'elle veut montrer que le risque d'un manque de pétrole est bien réel. Aujourd'hui, le problème n'est plus de savoir combien vaudra le pétrole mais s'il y en aura assez à l'avenir. Le but de l'AIE est certainement d'alerter les producteurs pour leur faire ouvrir les robinets. Il y a d'ailleurs des solutions. Si la guerre en Irak cesse, la production peut être augmentée de 3,5 à 4 millions de barils par jour.Mais tout cela donne surtout un enseignement: la mort annoncée des quotas de l'Opep. L'histoire récente a montré que ces quotas avaient peu d'effet. Et ils n'en auront bientôt plus du tout. Quel est l'intérêt de maintenir des quotas lorsque la demande approche les capacités maximales de production? Je suis convaincu que les quotas de l'Opep n'existeront plus d'ici un an à un an et demi, si les capacités de production restent à leurs niveaux actuels.Les prix du pétrole peuvent-ils empêcher les marchés actions de progresser cette année ?Il faudrait pour cela que les prix du pétrole entraînent une récession en Europe. C'est un phénomène qui ne peut donc jouer sur les marchés qu'à moyen terme et de façon indirecte. Quel scénario chiffré avez-vous retenu pour les mois à venir ?Partant d'un baril de Brent à 52 dollars au premier trimestre, j'envisage toujours un ralentissement logique des prix de 18% au deuxième trimestre et dans un scénario 'normal' un prix moyen de 46 dollars sur l'année. Il y a tout de même des signes positifs avec un dégonflement des tensions géopolitiques, notamment au Venezuela et au Nigeria. Pour l'an prochain, ma fourchette est de 48-49 dollars. Les prix devraient donc demeurer tendus autour de 50 dollars le baril.
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