"Une fois les premières fusions bancaires lancées, le mouvement va s'accélérer"

latribune.fr- Comment percevez-vous les nouvelles tentatives de fusions transfrontalières menées par ABN Amro et par BBVA, sur des banques italiennes?Yves Burger- Nous nous trouvons aujourd'hui à un moment déterminant de l'évolution du secteur bancaire italien. Jusqu'à présent, la banque centrale italienne a toujours oeuvré pour s'opposer à toute offensive étrangère sur les banques locales. Si une opération transfrontalière se produit en Italie, il s'agira alors d'une grande première. L'Italie a pris du retard en matière de consolidation de son secteur bancaire par rapport aux autres pays européens (l'Allemagne mise à part). C'est pourquoi la banque centrale italienne cherche à gagner du temps pour permettre aux grandes banques nationales de se renforcer. Mais Bruxelles fait de plus en plus pression auprès des banques centrales et notamment de la banque centrale italienne pour qu'elles soient plus souples à l'égard des opérations étrangères sur leur territoire.Pourquoi ces banques se tournent-elles vers l'Italie?Pour ABN Amro, se tourner vers l'Italie semble cohérent. En effet, sur le plan stratégique, le groupe a une position faible en Europe. Même s'il est numéro un en Hollande et bien placé dans le Middle West américain ou encore au Brésil, ABN Amro a manqué bon nombre d'opportunités, notamment en France ou en Europe Centrale. Aussi, le groupe a-t-il a constitué des positions en Italie, à travers ses participations au capital d'Antonveneta et de Capitalia.En ce qui concerne BBVA, elle s'est développée autant qu'elle pouvait le faire en Amérique latine. A présent, elle se trouve dans une situation similaire à celle d'ABN Amro: hormis l'Espagne et un petit réseau d'agences au Portugal, elle reste très peu présente en Europe.Pensez-vous que la consolidation transfrontalière du secteur bancaire soit une réelle tendance de fond?Tout à fait. Cela est dû au fait que certains pays ne disposent plus de possibilité de concentration de leur marché bancaire domestique. C'est le cas notamment en Hollande où ING, Rabobank, Fortis et ABN Amro détiennent 90% de leur marché. De même en Espagne, BBVA et Santander pèsent pour près de la moitié du secteur. Les rapprochements au sein de leurs pays se heurteraient aux réglementations de la concurrence.Par conséquent, ces banques se tournent vers l'étranger pour poursuivre leur croissance. De plus, en Europe il y a eu un assainissement au sein du secteur bancaire et les établissements offrent dans l'ensemble de bons niveaux de rentabilité. En outre, la création l'an dernier aux Etats-Unis de deux nouveaux géants mondiaux du secteur bancaire, avec la fusion de JP Morgan avec BankOne et de FleetBoston avec Bank of America, peut inquiéter les banques européennes. Celles-ci peuvent en effet se sentir menacées, ce qui favorise encore une fois les rapprochements.Mais, même si c'est une tendance de fond, il reste de nombreuses barrières à des fusions transfrontalières en Europe.Quelles sont-elles?Tout d'abord, une fusion, quelle qu'elle soit, est toujours une opération difficile à mettre en place. Et dans les rapprochements internationaux, il est difficile de réaliser des synergies de coûts puisqu'il n'y a pas réellement de doublons dans les réseaux.En outre, en Europe, la réglementation, la fiscalité et la comptabilité sont encore très différentes selon les Etats. Même si dans l'ensemble, tout cela tend vers une harmonisation progressive. A cela s'ajoute la politique assez protectionniste des banques centrales des pays.Ces différentes barrières devraient tomber à terme. Mais il est encore impossible d'établir le moindre calendrier!Ces fusions sont-elles bénéfiques pour les banques concernées?A moyen terme, les fusions doivent créer des établissements plus puissants, plus solides et mieux diversifiés. Ce qui est positif. C'est ce qui s'est passé avec, par exemple, le groupe Nordea qui a développé une stratégie "pan-nordique" dans toute la Scandinavie. C'est également le cas de BNP Paribas qui a sensiblement renforcé sa position domestique et internationale à travers des acquisitions.Mais sur le court terme, les fusions représentent toutefois un risque. C'est une chose assez difficile à négocier. En effet, dans la majorité des cas, les objectifs présentés aux actionnaires sont difficiles à tenir car les banques sont confrontées à des difficultés qui n'étaient pas prévues. Ainsi, la banque belge KBC, qui a acheté une banque polonaise, a dû nettoyer de fond en comble le portefeuille de crédits de cette dernière. Les difficultés de mise en place opérationnelles peuvent aussi prendre la forme de départs de cadres après des fusions.Pensez-vous que la fusion Abbey National et SCH soit une réussite?Il est encore trop tôt pour savoir si cette fusion est une réussite ou non. Il semble que la valorisation de Abbey à l'époque de l'acquisition par SCH ait constitué une bonne opportunité, alors que la banque britannique s'était lancée dans un plan de restructuration.A quels types de nouvelles fusions dans le secteur vous attendez-vous?Les banques déclarent généralement qu'elles discutent avec tout le monde. Certains établissements paraissent avoir opté pour une position d'attente, afin d'observer comment se passaient les premières transactions. De nombreuses opérations de rapprochement sont théoriquement possibles, mais ce nombre n'est cependant pas illimité. Une fois les premières opérations fructueuses lancées, le mouvement pourrait s'accélérer, car les banques ne voudront pas laisser passer leur chance de participer à la concentration.
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