Avis de séisme sur la planète médias

Le 4 janvier prochain, France Soir pourrait être liquidé. Libération vient de connaître quatre jours de grève à la suite d'un projet de licenciements. Le Monde et Le Figaro, malgré le lancement récent de nouvelles formules, voient l'érosion de leurs ventes se poursuivre. La crise qui touche la presse quotidienne française n'est pas un aléa conjoncturel. Et comme les autres journaux, La Tribune, qui vient de fêter ses 20 ans, s'interroge sur son avenir. Car la presse est à l'épicentre d'un séisme dont le grondement enfle, et qui fait trembler les fondations du modèle des médias traditionnels. Un modèle forgé au XIXe siècle, où, depuis un centre unique et selon un rythme régulier, se diffusait l'information vers une audience de masse. Or, la révolution Internet déconstruit chacun de ces éléments. Centre unique? L'accès à l'information sur la Toile passe de plus en plus souvent par un moteur de recherche, et non par la page d'accueil d'une marque reconnue dans l'information. Les réponses proviennent de sources multiples, et sur les forums et autres blogs, chacun est susceptible de trouver, de créer ou de démentir une information.Rythme régulier? L'information en ligne évolue en continu, sans périodicité fixe. Audience de masse? Sur le Web, chacun se crée son propre chemin, sélectionne ses centres d'intérêts, s'abonne à un fil RSS personnalisé. Il en résulte autant de "journaux en ligne" que d'individus internautes.Les modèles économiques sont eux aussi attaqués: à l'exception notable du Wall Street Journal, tous les sites Internet des grands journaux cherchent la combinaison idéale entre information gratuite et payante, mais l'internaute finit souvent par trouver ce qu'il cherche sans bourse délier. La migration de l'audience vers le Web touche les recettes de diffusion; mais les annonceurs se tournent eux aussi vers la publicité en ligne. Le phénomène est mondial. Le magnat des médias Rupert Murdoch, propriétaire de grands quotidiens comme le New York Post, le Sun ou le Times, prédit que "le tirage des journaux va baisser encore plus". Evoquant les petites annonces, qui furent une source de recettes conséquentes pour la presse écrite, il explique: "C'est une question de génération: je ne connais personne de moins de 30 ans qui ait jamais recherché une petite annonce dans un journal". En France, les 15-24 ans consacrent encore à la télévision 31% du temps qu'ils accordent aux médias, mais Internet arrive juste derrière (27%), loin devant les journaux (9%), selon une étude de l'European Interactive Advertising Association. Mais déjà, la télévision s'interroge. Marc Tessier, ex-président de France Télévisions, prédisait la semaine passée aux journées de l'Idate, la "fin des grands messes du 20 heures". Une conviction partagée par le directeur général de Yahoo! France. La "fin des médias de masse", annoncée dans un ouvrage récent "La Presse sans Gutenberg" du journaliste Jean-François Fogel et du président du Monde Interactif, éditeur du Monde.fr, Bruno Patino, contraint chaque journal à se réinventer sur le réseau, à essayer de trouver le cocktail idéal entre l'information en ligne et le support physique, le "clic & mortar". L'issue est incertaine, la voie étroite. Aux journaux et aux journalistes de chercher le passage, sans abandonner l'exigence première de leur métier: celle de fournir aux lecteurs une information vérifiée, recoupée, pertinente, hiérarchisée qui donne des repères dans le flot ininterrompu qui circule sur la Toile.
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