Quand les tuyaux télécoms se mêlent "d'entertainment"...

Du producteur au consommateur, sans intermédiaire: ce vieux fantasme économique du circuit direct ne serait-il pas en train d'agiter les opérateurs de télécommunications? Alors que l'ADSL ou le réseau mobile leur permet d'apporter des contenus de plus en plus riches, la tentation de faire produire ou d'acheter puis de vendre en direct des contenus culturels ou de divertissement à leurs abonnés devient manifeste. Le belge Belgacom a acquis tous les droits du Championnat de football national. Les chaînes de télévision ont tenté un recours mais si Belgacom parvient à ses fins, il entend créer sa propre chaîne de football, distribuée sur la ligne téléphonique via ADSL, et vendre les matches, à la demande, sur le même réseau. L'opérateur néerlandais Versatel a lui aussi remporté les droits vidéo de la première compétition de football nationale... Sur les réseaux mobiles, l'offensive est également lancée. Non seulement SFR propose à ses abonnés des titres produits par un label spécialement dédié à la création pour mobiles, Bling Tones (Lagardère), mais l'opérateur passe des contrats en direct avec certains artistes. Et quand, comme c'est le cas ces jours-ci en Grande-Bretagne, une sonnerie prend soudain la première place des ventes de singles et détrône le nouveau tube d'un groupe comme ColdPlay, les opérateurs mobiles peuvent s'imaginer que la création musicale de demain passe forcément par eux. Même tentation, côté cinéma. Personne n'osera prétendre que l'écran d'un mobile est la fenêtre idéale pour regarder un long métrage de 90 minutes. Mais il ouvre la porte à de nouvelles créations. Et Orange, par exemple, a suscité la création de films courts, diffusé sur son portail mobile, et décerné un prix aux auteurs en plein Festival de Cannes. En Grande-Bretagne, l'opérateur cherche à acquérir en direct des droits sur des productions audiovisuelles adaptées au mobile. Les traditionnelles industries de production de contenus - majors du disque ou du cinéma - et les médias qui les agrègent - télévision ou radio - doivent-ils s'inquiéter de cette offensive? Certains, comme Warner Music, ont préféré se poser en partenaire. La major a signé un accord avec France Télécom. Les clients de FT pourront télécharger des sonneries, vidéos musicales et morceaux de musique dans leur intégralité, à partir de leur accès Internet Wanadoo (filiale de FT) ou de leur mobile Orange (autre filiale) et, sur la ligne du téléphone fixe, des sonneries de rappel. Pour sa part, Universal, numéro un mondial du disque, a pris les devants en créant un département spécialisé dans la vente de contenus pour mobiles. Mais les frontières des métiers pourraient bien bouger. Pour faire augmenter le revenu par abonné, les "tuyaux" veulent créer des services à valeur ajoutée et ne pas se contenter de transporter les contenus des autres. Reste que pour faire un tube et le vendre, en ligne ou comme sonnerie de mobile, il faut dénicher l'artiste, l'aider à développer son talent et à enregistrer: cela s'appelle être éditeur et requiert une structure et des savoir-faire que l'on trouve aujourd'hui dans les maisons de disques. Et pour filmer un match de football, il faut des équipes techniques, un commentateur, une ligne éditoriale pour la mise en images... bref une structure de production comme on en trouve au service des chaînes de télévision. L'apport spontané des artistes ou des images sportives brutes ne feront jamais une ligne éditoriale dans laquelle un client pourra se reconnaître. Difficile d'imaginer qu'un même acteur peut réussir à bien faire, à lui seul, tous ces métiers d'éditeur de contenus. Les opérateurs télécoms vont-ils les intégrer partiellement dans certains cas, s'y associer sous forme de partenariat dans d'autres ou, parfois, se contenter de négocier de simples contrats de distribution? Les réponses sont déjà multiples. Les crispations sur la détention de droits de transmission ne font que commencer. Dans la sourde bataille qui s'engage, les opérateurs de télécoms semblent à l'offensive quand les médias traditionnels donnent davantage l'impression d'avoir à défendre leur territoire.
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