Hostile mais pas trop...

Par latribune.fr  |   |  483  mots
Par définition, une OPA est non sollicitée. Comme l'a montré la bataille Arcelor-Mittal, seul l'octroi d'une prime conséquente peut en dissiper l'apparente hostilité.

La patience de Mittal a payé: le conseil d'Arcelor a finalement accepté l'offre améliorée du magnat d'origine indienne, après cinq mois de bataille acharnée entre les deux leaders mondiaux de l'acier. Faut-il en conclure que toute résistance, aussi féroce soit-elle, peut donc capituler et aboutir à un accord amiable? Que les insultes à peine voilées, les propos désobligeants et les noms d'oiseau prononcés notamment par Guy Dollé, le PDG d'Arcelor, sont oubliés? En janvier, ce dernier n'avait pas de mots assez durs pour dénigrer le groupe anglo-néerlandais, dédaignant sa "monnaie de singe", sa culture trop différente et "pas européenne", son métier qui consistait à produire "de l'eau de Cologne" en comparaison du "parfum" sortant des usines d'Arcelor. Dans nos colonnes, il affirmait même que "les trois quarts des fusions ratent"....

D'assaillant brutal et hostile, le prétendant autrefois méprisé s'est mué en un époux convenable, sa demande en mariage (de raison) en proposition acceptable. Les arguments de Guy Dollé n'auraient donc pas fait le poids face aux 2 à 3 milliards de surenchère qui ont eu raison de l'unanimité du conseil d'Arcelor contre Mittal. Quitte à payer 140 millions d'euros d'indemnités de rupture au russe Severstal, chevalier blanc prié de repartir sur son destrier...

Sauf dans le cas précis d'une entreprise à la recherche d'un sauveur, toute OPA est par définition hostile, ou à tout le moins "non sollicitée", comme le disent les anglo-saxons. En effet, la réaction première et naturelle d'un dirigeant est de s'offusquer de toute tentative d'approche qu'il interprète comme un mouvement hostile, une remise en cause de sa gestion, de sa stratégie ou de sa façon de la "vendre" aux actionnaires. D'autant qu'il sait que la fusion lui fera perdre sa place. A l'exception de rachats de filiales, une OPA est par essence hostile à un management. Mais le rapprochement envisagé n'est pas forcément néfaste à l'entreprise elle-même. La plupart des récentes opérations, le rachat du britannique BPB par Saint-Gobain, de BOC par Linde, ont commencé de façon hostile: seul un relèvement du prix de l'offre a permis de gagner finalement l'appui du management.

Il semble loin le temps des "raids" sauvages des années 1980, dans lesquels des financiers "équarrisseurs" se lançaient à l'assaut d'entreprises dans le seul but de les dépecer. Les OPA hostiles auxquelles on assiste aujourd'hui résultent de pourparlers de mariage qui ont mal tourné. Signe d'une époque où tout va vite, sous la pression d'une concurrence féroce, les tentatives d'approche font l'économie d'une cour prolongée, au risque de déroger aux bonnes manières des affaires. Veolia, avec son offre sur Vinci qui se voulait "amicale" et sans cash, en a fait l'amère expérience. Si le groupe veut se marier, il faudra bourse délier...