Licenciements boursiers, version de luxe...

Par latribune.fr  |   |  595  mots
La Roche Tarpéienne n'est pas loin du Capitole... Les PDG de France et de Navarre éprouvent la justesse de la maxime avec acuité depuis quelques mois. Leur siège n'a jamais semblé aussi éjectable et les hommages hypocrites au nom de la bienséance n'ont plus cours. Lorsque le marché se réjouit du départ d'un patron, il le fait savoir sans détours. Quelques exemples tout récents? L'action Technip s'est envolée de 5% jeudi : résultats records, acquisition judicieuse? Non, le PDG du groupe parapétrolier, Daniel Valot, a révélé qu'il quitterait ses fonctions en avril prochain, à 63 ans. Une série d'avertissements sur résultats a égratigné son crédit auprès de la communauté financière. Trois semaines plus tôt, les investisseurs avaient applaudi la retraite surprise de Jean-Martin Folz à la tête de Peugeot Citroën annoncée pour le début de l'année prochaine... Jean-Marc Espallioux vertement écarté de la direction d'Accor, Noël Forgeard limogé d'EADS, Antoine Zacharias contraint à la démission de Vinci, les têtes tombent aux sommets du CAC 40. Loin de s'inquiéter de l'incertitude créée par un changement de management ou de l'ampleur de la crise réelle traversée par l'entreprise, la Bourse plébiscite ces renvois qu'elle a souvent implicitement encouragés. Combien d'actions font du surplace ou cèdent du terrain mois après mois, plombées par une décote de défiance infligée à leur direction ? Faut-il y voir une nouvelle forme de "licenciements boursiers", en version de luxe ? Départs négociés, coquettes indemnités, levées d'options, les patrons poussés vers la sortie ne sont pas forcément à plaindre. Toujours est-il que leur droit à l'erreur n'est désormais qu'un joker à usage unique. Ce renouvellement accéléré des élites de l'indice phare de la place parisienne est sans précédent. Il ne constitue cependant point une exception française : le phénomène est mondial. Aux Etats-Unis, un nouveau record devrait être battu cette année. Selon la firme de recrutement Challenger, Gray & Christmas, basée à Chicago, le rythme effréné de plus de trois départs par jour, soit un toutes les six heures, devrait aboutir à la fin de 2006 au nombre inégalé de 1.400 changements de Chief Executive Officers (CEO). En 2005 déjà, 1.322 "big boss" avaient tiré leur révérence, deux fois plus que l'année précédente (633 départs recensés en 2004). Dans l'ère post-Enron, les administrateurs se sentent investis d'une mission de contrôle et de sanction des organes de direction et tremblent de ne pas l'exercer avec la réactivité et la sévérité nécessaires. La peur du procès en cas de mauvaise information du marché se traduit par une tolérance zéro au "profit warning" mal préparé ou au dossier épineux mal géré. Peter Dolan congédié de Bristol-Myers Squibb, Bill Ford invité à lâcher les rênes du constructeur auto et Tom Freston débarqué de Viacom au bout de huit mois font partie des récentes victimes expiatoires de cette nouvelle intransigeance. Les actionnaires ne doivent toutefois pas se réjouir trop vite. Sept mois après son arrivée, saluée par le marché, le nouveau patron de Nortel a prévenu que le redressement de l'équipementier télécom canadien prendrait peut-être cinq ans ! Le cours accuse un repli de 25% depuis le début de l'année. Le remplacement d'un PDG n'a donc rien d'une panacée...