Nouvel essai des syndicats de Gaz de France pour retarder la fusion avec Suez

Les syndicats de Gaz de France tentent de retarder au maximum le processus de fusion de leur groupe avec Suez. Ils ont tenté mercredi une nouvelle offensive. Le comité central d'entreprise (CCE) européen de l'entreprise a déposé une requête en justice pour retarder le conseil d'administration qui doit valider le projet.Le CCE européen a déposé sa requête en référé devant le Tribunal de Grande instance (TGI) de Paris. Il motive sa demande par un "manque d'informations" sur l'impact social du projet, a indiqué à l'AFP (Agence France Presse) Didier Baur, le secrétaire général adjoint du CCE. "Cette requête demande au juge des référés de reporter la date du conseil d'administration (CA) prévu le 22 novembre", a ajouté Maître Alain Lévy, le conseil du CCE, en précisant que l'audience devant le TGI aura lieu jeudi à 15H30."Tant qu'on n'a pas ces informations, on ne peut pas se prononcer sur la fusion", a ajouté l'avocat, précisant que la résolution demandant le dépôt de la requête a été votée "à l'unanimité" des membres du CCE. La consultation du CCE européen de Gaz de France est prévue par un protocole d'accord interne signé entre la direction et les syndicats. Son article 4 prévoit la consultation du CCE européen sur tout sujet portant sur "l'évolution de l'entreprise". "Les deux directions sont incapables de donner des informations sur les conséquences de leur fusion sur l'emploi", a déclaré Didier Baur, selon lequel "il y a des doublons d'activités et des chevauchements entre Suez et GDF dans plusieurs pays européens".Le CCE européen du groupe gazier public a mandaté un cabinet d'experts afin de "localiser les emplois menacés et les doublons engendrés par la fusion", a-t-il expliqué. Selon lui, cette résolution prévoit que "tant que le CCE européen ne dispose pas des résultats de l'expertise et des moyens pour comprendre les conséquences sur l'emploi notamment dans le domaine des services en France, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, il ne peut se prononcer. (...) Des suppressions d'emplois, liées à la fusion, ont déjà été annoncées en Italie pourtant les deux entreprises s'étaient engagées à ne pas supprimer d'emplois".L'espoir qui se cache derrière cette nouvelle offensive, c'est celui d'empêcher que le mariage ne soit prononcé comme cela était prévu avant la fin de l'année, les assemblées générales des actionnaires des deux groupes étant prévus le 29 décembre, en respectant le délai légal d'un mois au moins après la tenue des conseils d'administration ayant entériné la fusion. Un calendrier serré que tout report de la date des conseils d'administration risque de mettre à mal.Or, tout basculement dans l'année 2007, celle des élections présidentielles, fait courir un risque supplémentaire à ce projet controversé -qui passe par la privatisation de Gaz de France. Les différents candidats, notamment ceux de l'UMP et du PS, pourraient être pris à parti sur ce dossierEn outre, il reste un second problème à régler, en plus de l'accord des instances ad hoc, des comités d'entreprise aux assemblées générales des actionnaires en passant par celui des conseils d'administration, c'est celui de la parité exacte de fusion. Pour l'heure, il est prévu un échange d'une action Suez contre une action Gaz de France. Mais les actionnaires de Suez s'estimant lésés compte tenu de l'évolution des cours depuis plusieurs mois, réclament un dividende exceptionnel.Dès l'origine, un tel dividende avait été envisagé. Mais l'on parlait alors d'un euro par action. Or, certains aujourd'hui en demandent beaucoup plus, parlant de trois voire de cinq euros. Un sujet qu'il faudra là aussi trancher d'ici à la fin de l'année pour permettre à la fusion de s'opérer grâce à un vote positif des actionnaires lors des assemblées générales.Si la course d'obstacle de l'union entre Suez et Gaz de France comporte encore de grosses barrières à sauter, ses promoteurs peuvent au moins s'enorgueillir d'en avoir déjà franchi deux, et de taille : le feu vert du Parlement, obtenu finalement plus facilement que prévu malgré le record d'amendements de l'opposition, et celui de la Commission européenne (voir encadré ci-dessous), obtenu mardi après-midi comme La Tribune l'avait révélé dès lundi.Mercredi, à la clôture de la Bourse de Paris, le titre Suez avait gagné 0,44% à 36,56 euros en fin d'après-midi alors que l'action Gaz de France avait progressé de 1,86% à 33,36 euros. Feu vert de Bruxelles sans exigence nouvelle En donnant son aval mardi après-midi au projet de mariage entre Suez et Gaz de France sans réclamer de nouvelles concessions par rapport aux propositions des deux groupes des 20 septembre et 13 octobre derniers, la Commission européenne a indiqué dans son communiqué : "les préoccupations de la Commission portaient essentiellement sur l'élimination de la pression concurrentielle croissante que GDF et Suez avaient exercée jusqu'alors (et auraient exercée dans un avenir proche) l'une sur l'autre en Belgique comme en France. En raison des barrières très élevées à l'entrée, leurs positions dominantes respectives auraient été considérablement renforcées par la fusion". Mais Bruxelles estime que les dispositions annoncées par les deux groupes permettent de répondre à ces préoccupations. Il s'agit en effet de "mesures correctives substantielles comprenant notamment la cession de Distrigaz (filiale de Suez) et de SPE (détenue à 25% par GDF) et l'abandon du contrôle de Suez sur Fluxys, l'exploitant de réseau belge", précise la Commission. Parmi les Vingt-Cinq, tous n'étaient pas forcément convaincus. Mais en définitive, Neelie Kroes, la commissaire à la Concurrence, a néanmoins conclu que les cessions d'actifs décidées par les deux groupes, en France et en Belgique, ainsi que les divers engagements de comportement qu'ils ont souscrits suffiront à garantir que cette concentration n'entrave pas "de manière significative" la concurrence sur les marchés intéressés. Ainsi, en ce qui concerne la France, la principale traduction des "remèdes" consentis par les deux groupes sera la promotion de Distrigaz, jusque-là filiale "négoce" de Suez, comme principal concurrent du groupe fusionné dans l'approvisionnement en gaz des entreprises et des clients résidentiels. Les experts bruxellois ne doutent pas que le futur acquéreur de Distrigaz - qui aurait d'ores et déjà plusieurs prétendants correspondant aux attentes de Bruxelles - mettra à profit les aménagements que le nouveau groupe s'est engagé à apporter dans l'accès aux infrastructures gazières belges et françaises pour s'affirmer comme un acteur solide du marché hexagonal. Avec en sus le bénéfice de la libéralisation complète du secteur le 1er juillet 2007. Une conviction qui expliquerait, selon ces experts, que la Commission n'impose pas à GDF-Suez un programme de "gas release" (mise à disposition de gaz par le biais de ventes aux enchères) au profit d'autres intervenants. Le paysage va bien davantage changer outre-Quiévrain. Tout d'abord, dans l'électricité, avec la vente de la participation des 51% que détenait GDF dans la SPE. Cette société belge, dont la capacité installée va passer de quelque 9% à un peu plus de 14% grâce à l'apport de 535MW d'électricité nucléaire fournie par Electrabel, va se trouver au coeur du processus de concentration du secteur électrique européen. Elle serait d'ailleurs convoitée par plusieurs grands groupes: son autre principal actionnaire actuel, le britannique Centrica, mais aussi par les italiens Enel et ENI et par l'allemand E.ON. Les cartes seront encore plus rebattues sur le marché du gaz, avec la sortie de Distrigaz du giron de Suez. Les experts affirment que cette entreprise belge disposera des volumes de gaz nécessaires pour fournir ses clients actuels en Belgique (y compris l'approvisionnement des centrales de la SPE), mais également en France et au Luxembourg. Ils considèrent, en particulier, que cette capacité de réponse à une demande qui s'annonce croissante ne sera pas handicapée par les contrats de fourniture à moyen terme que Suez a exigés pour les centrales de sa filiale Electrabel et pour sa filiale ECS (Electrabel Consumer Solutions) très présente en Flandre. Changement de décor aussi pour le transport du gaz au "plat pays" avec la réorganisation de la propriété et de la gestion des infrastructures jusque-là contrôlées par la société Fluxys dans laquelle Suez était majoritaire et qui va être scindée. Avec d'un côté Fluxys SA, qui sera propriétaire des infrastructures et dont le groupe fusionné ne détiendra plus que 22,5% des parts, à parité avec Publigaz, société regroupant des communes flamandes, bruxelloises et wallonnes, et sur la politique de laquelle il ne devra avoir aucune influence. Et, d'un autre côté, Fluxys International, propriétaire du terminal de Zeebrugge dont les capacités seront accrues, et dont Suez-GDF détiendra 60% du capital mais sans pouvoir de gestion directe. Des "remèdes" auxquels sont venus s'ajouter des engagements de désinvestissement sur le marché français des réseaux de chaleur. GDF a accepté, en effet, de se défaire des activités détenues dans ce secteur par sa filiale Cofathec Coriance. L'addition de cette société avec la filiale de Suez, Elyo, aurait créé un ensemble que Neelie Kroes avait clairement dénoncé dans sa "Communication de griefs" du 18 août, relevant que la disparition de ce "franc-tireur" concurrent d'Elyo et de Dalkia était susceptible de réduire trop significativement la concurrence dans l'Hexagone.
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