Vivendi entre deux feux

Il n'y a pas de fumée sans feu, selon la sagesse populaire. Le franchissement du cap des 30 euros par l'action Vivendi la semaine passée n'était officiellement soutenu par aucune nouvelle, aucune annonce spécifique. Mais il n'était pas fortuit, au-delà du rebond des valeurs télécoms. Alors, pourquoi les investisseurs estimaient-ils soudainement que Vivendi valait un peu plus qu'avant? Les analystes financiers multipliaient les notes élogieuses sur le titre ces derniers temps: brusquement, ils se montraient "plus convaincus" par les objectifs à cinq ans très ambitieux que le groupe s'était fixés en mai dernier, en plein bras de fer avec le fonds Sebastian Holdings qui proposait de démanteler le conglomérat. Au point d'enjoindre leurs clients investisseurs de cesser de croire en une hypothétique scission du groupe, mais d'acheter le titre pour des raisons plus fondamentales: ses excellents actifs de médias et de télécoms (Universal Music, Canal Plus, SFR, Maroc Telecom), ses perspectives de croissance et de bénéfices, ses promesses de retours plus généreux aux actionnaires... Le président du directoire de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, pouvait respirer et se réjouir que son message eut été enfin entendu. Car le patron de la holding n'a pas ménagé sa peine ces dernières semaines: il a multiplié les road-shows à Londres et à Paris et les rencontres individuelles avec les experts afin de leur exposer, inlassablement, sa stratégie plurimétiers médias + télécoms, les atouts du groupe et sa capacité à faire croître dans les années à venir le cours de Bourse de Vivendi, encore à la traîne du CAC. On comprend encore mieux aujourd'hui la nécessité de ce travail au corps: le puissant fonds d'investissement américain KKR ayant déclaré sa flamme, Vivendi se devait d'essayer de convaincre la communauté financière que le groupe, dans sa forme actuelle, était en mesure de créer plus de valeur qu'une opération de LBO passant par une OPA, d'un montant colossal, 40 milliards d'euros, 5 milliards de plus que sa valeur boursière actuelle, ou l'équivalent de 5 euros par action. Selon certaines sources, les négociations avaient été entamées à l'initiative de Vivendi. Le président du comité stratégique de Vivendi, et membre du conseil de surveillance Claude Bébéar avait rallumé la mèche des rumeurs au début du mois en se déclarant "pas opposé par principe" à un démantèlement du groupe. Ce que certains observateurs ont interprété comme une invitation adressée aux riches fonds d'investissements de venir présenter leurs montages potentiellement créateurs de valeur. Depuis près d'un an, Vivendi est régulièrement cité comme une cible de LBO, en raison de sa décote de conglomérat persistante, de sa collection de beaux actifs sans synergies et de sa forte génération de cash-flows qui devrait rapidement réduire sa dette à zéro... Derrière l'écran de fumée des études financières laudatives, la hausse du cours la semaine passée était alimentée par de nouvelles rumeurs d'offres dans les salles de marché londoniennes, visiblement bien informées. Vivendi a repoussé les avances de KKR, mais jusqu'à quand pourra-t-il s'offrir le luxe de décliner une approche amicale? La pression du marché ne deviendra-t-elle pas insoutenable si le soufflé spéculatif retombe tant qu'une offre ne se sera pas concrétisée? Entre les charbons ardents d'un cours languissant et les caresses brûlantes des fonds de LBO, avec quel feu est-il plus risqué de jouer?
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