Le Chili affronte sans complexe la mondialisation

Le constat est fait à regret: l'économie chilienne passe pour être l'une des plus performantes du continent latino-américain. A regret, puisque la bonne santé économique relative du pays est en partie le fruit d'une dictature, celle dirigée de 1973 à 1990 par Augusto Pinochet, décédé hier à Santiago. Si le pays bénéficie toujours d'un dynamisme envié par ses voisins (il s'est préservé des crises mexicaine de 1995 et argentine de 2001-2002), le mérite est toutefois loin d'en revenir au seul héritage de l'expérimentation néo-libérale qui a marqué le règne du général.C'est en 1977 que le dictateur confie l'économie du pays aux théoriciens de l'école de Chicago ("les Chicago boys"), dont la figure de proue est l'économiste Milton Friedman. Le monétariste américain fait du pays un laboratoire qu'il soumet à une série de réformes à marche forcée (privatisation des entreprises d'Etat dans le cuivre, l'aviation et l'éducation notamment), sans crainte d'opposition compte-tenu de la nature du régime politique. Aujourd'hui, le marché chilien est réputé pour être l'un des plus ouverts, si ce n'est le plus ouvert du monde, avec un droit de douane unique de 6%. L'accord de libre échange passé avec l'Union européenne ouvre le marché chilien à 92% des produits français en franchise de droits. Santiago du Chili a signé des accords d'association avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine...) et des accords de libre échange avec les Etats-Unis et la Corée. Il en prépare d'autres avec la Chine, l'Inde, la Nouvelle Zélande et Singapour. Au cours des 24 dernières années, la croissance économique s'est maintenue en moyenne à 5,2%, et même 8,3% entre 1990 et 1997. Dans le même temps, le taux d'analphabétisation a régressé et l'espérance de vie est passée de 63,6 ans en 1975 à 74,4 ans en 1990. Entre 1987 et 2003, le pays est parvenu à réduire de moitié la pauvreté à 18,8%. Aujourd'hui, le PIB par habitant est estimé à près de 6.000 dollars par la Banque mondiale, plaçant le pays en tête de l'Amérique latine. Situation rare sur le continent, les finances publiques affichent un excédent structurel (3% en 2005). Mais ces résultats ne sont pas le seul apanage du régime de Pinochet. L'un de ses successeurs, le président Eduardo Frei (1994-2000), a poursuivi la lutte contre la pauvreté et pour l'éducation. Et malgré les nombreuses grèves, notamment en 1996, le "dragon" d'Amérique latine a conservé une croissance vigoureuse et une inflation relativement contenue (6,6%). A la faveur d'un "investissement social" qui a coûté jusqu'à 70% du budget national et a contribué à échafauder un système de retraites par capitalisation, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est tombé de 40% à 25% entre 1990 et 1996. Aujourd'hui, l'économie reste fortement dépendante de ses exportations de matières premières, à commencer par le cuivre (30% des produits exportés), mais aussi le zinc, le fer, l'argent, l'or, le pétrole, ainsi que des produits de l'agriculture, de la pêche et de la forêt. Surtout, la vigueur de la croissance est loin d'avoir effacé les inégalités sociales. Le pays, où la distribution des revenus est très inégalitaire, se classe au 16ème rang en termes de répartition de la richesse et au 37ème sur la base de l'indicateur de développement humain. 16% de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Le taux de chômage n'a pas cessé d'être élevé (8,7% fin 2005). Et un Chilien gagne en moyenne un tiers de plus qu'une Chilienne pour un emploi identique et à qualification égale.
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