"The last show", éloge du show biz de papa

Une fois n'est pas coutume, le titre choisi pour la France (même s'il est en anglais) du dernier film de Robert Altman est plutôt bien choisi. Prémonitoire même, puisque, annoncé de longue date, ce "Last show" est l'ultime opus du réalisateur américain, auteur de "M.A.S.H" et de "Short cuts", disparu le 21 novembre dernier. Mais c'est aussi une fiction sur la dernière d'une émission radiophonique qui existe bel et bien et s'appelle "A Prairie Home Companion" (ce qu'on pourrait traduire par "Guide pratique de la Prairie"), titre original du film. Dans la réalité, cette émission musicale caractéristique du Mid West, avec ses musiques traditionnelles, ses sketches et ses parodies de réclames publicitaires se porte très bien, merci pour elle. C'est même un phénomène radiophonique très populaire: diffusée sur plus de 500 stations publiques aux Etats-Unis et à l'étranger, relayée par la BBC, l'émission est suivie dans 35 millions de foyers à travers le monde. Mais, retrouvant la veine de ses films musicaux comme "Nashville" ou "Kansas City", Altman imagine la dernière retransmission, en direct sur une scène de théâtre, de cette émission et en fait un film en forme d'éloge funèbre au show-biz à l'ancienne. Sans tristesse, mais avec une infinie mélancolie, le réalisateur ajoute le piment du voyeurisme et se plait à montrer l'envers du spectacle, ses coulisses, ses ratés, ses petites mains, bref tout ce qui n'est pas perceptible sur un poste de radio mais bien visible à l'écran.Prenant des libertés avec la réalité tout en respectant le canevas de l'émission en question, le film reprend certains de ses protagonistes réels. A commencer par le concepteur, producteur, animateur et présentateur, le génial Garrison Keillor, scénariste du film, et par ailleurs écrivain, poète, chroniqueur au "New York Times" et au "Chicago Tribune". Mais quantité d'autres sont inventés. D'ailleurs, l'émission n'est pas la "success story" qu'elle est réellement mais un simple programme de week-end sur une station locale plutôt ringarde devant une foule clairsemée. Le film se situe un samedi soir pluvieux d'hiver, à Saint-Paul, Minnesota, dans un théâtre promis à la démolition pour faire place à une grande surface. La radio vient en effet d'être rachetée par des financiers sans états d'âme, impatients du retour sur investissement. Dans la salle, le public prend part, le coeur serré, à la dernière retransmission. Sur scène et dans les coulisses, c'est la consternation. Mais tout le monde prend à coeur de n'en rien montrer. The show must go on!Débute alors un invraisemblable défilé de saltimbanques et de losers plus ou moins talentueux, chanteurs de soul et de country music, chansonniers, musiciens, bruiteurs, blagueurs... Parmi les vedettes, les Johnson Sisters, Yolanda (Meryl Streep, épatante chanteuse de country) et Rhonda (Lily Tomlin qui ne lui cède en rien) forment un duo rescapé d'un quatuor qui eut des jours meilleurs. Mais la roue a tourné, elles en sont aujourd'hui à se produire dans des petits galas, des fêtes communales, des patronages. Bonne fille, Yolanda est prête à passer la main et à céder le micro à sa fille, laquelle a un joli filet de voix mais, morte de trac, elle oublie ses paroles. Il y a aussi le duo bien rôdé des cow-boys Dusty et Lefty, les country rappeurs de la Prairie. Et quantité d'autres qui tous ont le show-biz dans la peau.Mais leur sort est scellé, comme l'affirme l'agent de sécurité, le bien nommé Guy Noir, sorte de privé échappé d'un film noir pour constater l'ampleur du crime. La sentence est confirmée par une étrange et silencieuse blonde, sorte d'ange de la mort, qui rôde des coulisses au poulailler. Cette fois, pas de doute, c'est vraiment "The End"!
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