Plongée au plus profond d'un tabou familial

Dans "Un Secret", Claude Miller dévoile un tabou qui pèse sur une famille de juifs laïcs persécutés pendant la guerre. Inspiré du roman de Philippe Grimbert, le film, très émouvant, fait vivre les disparus au fond de l'inconscient des survivants.

Plus qu'un secret, c'est tout un passé enfoui au fin fond de l'inconscient familial et une culpabilité jamais assumée que révèle Claude Miller dans ce film émouvant servi par une superbe brochette d'acteurs. En adaptant le roman éponyme de Philippe Grimbert - qui lui-même parlait de son propre passé - le réalisateur de "La petite Lili" évoque pour la première fois ses racines familiales et sa judéité. Mais il le fait sans pathos, malgré l'atrocité des faits retracés.

Rompant avec les conventions du flash-back, Claude Miller a filmé en noir et blanc les scènes du présent et en couleurs celles du passé. Il multiplie les allers-retours dans le temps, et partant du présent remonte petit à petit la piste d'un passé familial flamboyant, commencé avant guerre. Dans un quartier populaire de Paris, toute une communauté de juifs laïcs ashkénazes vit avec la volonté de s'assimiler. Cela ne leur épargnera pas d'être persécutés par les nazis qui les renvoient brutalement à des origines confessionnelles qu'ils ne revendiquent pas.

Le film se déroule comme une enquête menée par le narrateur, Mathieu Amalric jouant le rôle de Philippe Grimbert, alias François. Devenu psychanalyste s'occupant d'enfants autistes, François remonte le fil du temps, jusqu'à la petite enfance dans l'après-guerre, où fils unique, chétif, craintif, absolument pas sportif, il faisait le désespoir de son père, Maxime (splendide Patrick Bruel). Homme très physique, ce père, juif résolument laïc, refuse sa judaïté au point de passer pour antisémite. Surprotégé par sa mère elle aussi très sportive, Tania (la vigoureuse Cécile de France), le garçon solitaire s'invente un frère beaucoup plus valeureux que lui avant de découvrir que ce fantasme a bel et bien existé.

Et le film de remonter jusqu'au commencement de la saga familiale, avant-guerre, par un beau mariage entre Maxime et la ravissante Hannah (lumineuse Ludivine Sagnier). Heureux comme des pinsons, le couple merveilleusement assorti a pour voisin de cour une couturière à la langue bien pendue, Louise (impayable Julie Depardieu) qui sera le témoin de leur histoire et des événements heureux et malheureux qui suivront. Ce sera elle aussi qui révélera par bribes au petit François ce que ses parents lui cachent.

Car avec l'arrivée des Allemands, les choses prennent un tour tragique et la trajectoire de chacun se trouve complètement bouleversée. Pas question pour Maxime de porter l'étoile jaune devenue obligatoire, ni de subir passivement les persécutions. Il préfère fortifier son corps pour le cas échéant pouvoir se défendre et prendre la fille de l'air en zone libre, en éclaireur avant la venue des siens. Emportant aussi avec lui - et malgré lui - l'image de sa belle-soeur, surgie soudain sur sa route, élégante championne de natation, rebelle comme lui aux ordres de l'occupant, dont il tombe éperdument amoureux. Difficile, vu les circonstances de plus en plus dramatiques, d'assumer cet amour clandestin...

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