Un usage inattendu de l'agrément de multigestion alternative

Depuis avril 2003, quand un fonds de fonds veut investir dans des "hedge funds", l'AMF exige de la société de gestion un agrément spécial "multigestion alternative", adapté aux risques spécifiques des fonds alternatifs. Visite guidée dans le dédale de l'offre alternative avec le concours d'un spécialiste, Pierre Filippi, président de FIDEAS, une société spécialisée dans la recherche et la multigestion.

Coqueluche des marchés, panacée universelle en période de baisse 2000 - 2003, les hedge funds retrouvent depuis quelques temps leur place naturelle. Et c'est à contre emploi que les multigérants alternatifs pourraient révéler d'autres talents.

En effet, les nouvelles règles réservent à ces multigérants dits "alternatifs" le droit d'investir en dehors des fonds distribués en France. Ils sont donc les seuls à pouvoir utiliser certains fonds domestiques britanniques ou japonais, ou des mutual funds américains, etc., pourtant tous très classiques, traditionnels et strictement réglementés dans leur pays d'origine.

On constate, chiffres à l'appui, que sur de nombreuses classes d'actifs, les fonds domiciliés en Europe, agréés à la commercialisation en France par l'AMF, n'ont pas apporté de sur-performance par rapport à l'offre locale française. Ne jetons pas le blâme sur les gérants, individuellement, mais sur la structure même de l'offre: trop de grands fonds paquebots gérés par de grands acteurs internationaux, trop "benchmarkés", et pas assez de boutiques et de gérants de conviction.

En revanche, les mêmes analyses chiffrées dévoilent un gain, parfois significatif si l'on dépasse la limite du passeport (ou de l'agrément à la vente en France), soit en accédant aux fonds européens non distribués en France, soit en accédant aux fonds locaux de pays hors de l'Union Européenne. Pour acheter ceux-ci, l'agrément de multigestion alternative est nécessaire, "au premier Euro investi" !

Voici deux exemples sur 5 ans:

En actions britanniques, sujet d'importance puisque le Royaume-Uni pèse environ 35% de l'indice européen, la performance des 5 fonds français qui existent est de 18,7%, celle de 45 fonds européens vendus en France de 37,2%, ce qui est déjà mieux, et les 536 fonds, essentiellement britanniques, non vendus en France, progressent en moyenne de 50,9%. Gain: 32,2%.

En actions japonaises, même tableau, les fonds français "font" 53,8%, les fonds vendus en France, 51,1% et les fonds hors d'Europe, essentiellement japonais progressent de 68,2%, soit un gain de 14,4%.

Il n'y a pas de miracle! Spécialisation, implantation locale, moyens plus importants, présence plus nombreuse de gérants de conviction, font la différence. Le métier du multigérant est là.

Il ne s'agit pas de rassurer l'acheteur en lui apportant tous les grands noms qu'il peut déjà trouver dans son journal, selon l'expression trop souvent galvaudée, "les meilleurs gérants mondiaux". Il faut chercher, aller dénicher la valeur, la performance, ce fameux "alpha", là où ils se trouvent, manifestement plus loin que les terrains de chasse habituels de la plupart.

Quelques sociétés de gestion se sont fait la spécialité de créer des fonds vendus en France et confiés à de bons gérants du Japon, d'Angleterre, d'Amérique ou d'ailleurs. Les multigérants doivent-ils attendre que d'autres importent pour eux, en nombre limité, les talents de bons gérants locaux, alors que leur métier est d'aller sur place, et trouver le meilleur service et le meilleur coût.

A l'heure où on n'est plus très sûr que la performance alternative soit vraiment "absolue" et où la gestion traditionnelle maîtrise de mieux en mieux l'exposition aux marchés, les multigérants alternatifs pourraient, comme les grands acteurs, dévoiler d'autres valeurs à contre emploi, en utilisant leur agrément pour nous apporter des fonds traditionnels, non européens, non accessibles, et pourtant très souvent meilleurs. Les grands acteurs de la multigestion, promoteurs de fonds de fonds traditionnels pour le grand public et qui disposent tous de ce fameux agrément "multigestion alternative", n'ont, pour leur part, pas d'excuse à ne pas s'en servir dans ce sens.

Si les fonds de fonds qui suivent cette politique doivent pour cela être réputés alternatifs (formule dite ARIA), achetons ces ARIA dont nous saurions qu'en fait ils n'ont d'alternatif que le nom.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.