La mise en cause de Blackwater enfle à Bagdad

Par latribune.fr  |   |  834  mots
La société américaine de sécurité privée Blackwater est plus que jamais montrée du doigt en Irak. Entre 25.000 et 48.000 spécialistes privés de la sécurité travailleraient en Irak, pour des salaires allant jusqu'à 1.000 dollars par jour pour les postes les plus exposés.

Le ton monte en Irak contre la société privée de sécurité américaine Blackwater, toute puissante à Bagdad où elle joue les armées "bis" à côté des troupes américaines.

Les enquêteurs irakiens accumulent des preuves et des témoignages pour incriminer l'entreprise américaine. Celle-ci est même accusée de trafics et ventes d'armes ce qu'elle dément.

Le rôle des sociétés de sécurité privées en Irak est remis en cause après la récente décision du conseil des ministres, à Bagdad, de "mettre un terme à l'autorisation d'activité" de Blackwater, qui assure la sécurité de l'ambassade des Etats-Unis et des diplomates américains à Bagdad. Le gouvernement a également affirmé la nécessité de réexaminer le statut de toutes les entreprises de sécurité privées étrangères et locales travaillant en Irak, en fonction du droit irakien.

Selon le ministère irakien de l'Intérieur, onze personnes dont un policier ont été tuées dimanche lorsque les agents de Blackwater ont riposté au hasard à des tirs de mortier près de leur convoi. Blackwater a pris la défense de ses employés, affirmant qu'ils avaient réagi "de plein droit et de façon appropriée" à une attaque hostile.

Depuis le drame de dimanche, les autorités américaines ont d'ailleurs interdit aux convois diplomatiques de quitter la "zone verte", quartier administratif hautement protégé du centre de Bagdad.

La Maison blanche a déploré la mort d'innocents tout en soulignant le besoin de protection de ses diplomates sur place. "Il est important que les personnes sur place, qui travaillent pour le département d'Etat ou les autres départements du gouvernement fédéral, bénéficient de la protection nécessaire. C'est en zone de guerre et ils ont été attaqués", a déclaré une porte-parole. Le département d'Etat américain soutient que ces civils ont été tués dimanche pendant une attaque contre un convoi américain. Mais plus de 48 heures après l'incident, il n'était toujours pas en mesure de dire si Blackwater possédait une licence d'activité valide dans le pays.

Selon David Claridge, directeur exécutif de la société londonnienne Janusian Security Risk Management, tout le monde sait à Bagdad que Blackwater opère sans licence en Irak parce qu'elle travaille sous la protection de l'ambassade des Etats-Unis. "C'est de la mauvaise publicité pour notre secteur mais nous ne nous rangeons pas dans le même groupe que Blackwater", dit-il.

Dans le milieu de la sécurité à Bagdad, on rappelle que toutes ces firmes (parfois appelées "sociétés militaires privées", ou SMP) opèrent dans un environnement peu régulé où peu de sociétés ont des licences à jour et où beaucoup versent des dessous-de-table pour travailler. D'après d'autres représentants de sociétés de sécurité britanniques, les sous-traitants continuent d'opérer selon le mémorandum 17 de l'Autorité provisoire de la coalition, qui garantit aux employés l'immunité vis-à-vis de la loi irakienne.

"La controverse sur Blackwater constitue une triste illustration des périls d'une dépendance excessive envers des sociétés privées de sécurité", estime Henry Waxman, président de la commission de surveillance de la Chambre américaine des représentants, qui entend consacrer une audition à la fusillade.

Ce phénomène de "privatisation de la guerre" s'est développé depuis la fin de la Guerre froide, au fur et à mesure que les Etats-Unis et leurs alliés réduisaient leurs effectifs militaires. De 2,1 millions de soldats en 1989, l'armée américaine est passée aujourd'hui à environ 1,5 million d'hommes.

"Compte tenu de sa taille actuelle, l'armée américaine ne pourrait fonctionner sans sous-traitants civils. Le problème, c'est que ces civils agissent dans une zone d'ombre juridique. On a fait peu d'efforts pour réguler, superviser et uniformiser leur entraînement et leurs procédures. C'est le Far West dans ce domaine", affirmait à l'automne dernier Jeffrey Addicott, chercheur à l'université Sainte-Marie de San Antonio.

On estime qu'une centaine de milliers de sous-traitants civils sont présents en Irak, des ex-soldats des forces spéciales mais aussi des traducteurs, des mécaniciens, des cuisiniers, et toutes sortes de professions logistiques. Pour le seul secteur de la sécurité, les estimations varient de 25.000 à 48.000 membres (anglais, néo-zélandais, australiens, voire péruviens) de ce qui s'apparente à des milices internationales. Selon certaines sources, ces "spécialistes" de la sécurité gagnent jusqu'à 1.000 dollars par jour.

Blackwater est l'une des sociétés employant le plus de personnel en Irak, plus de 1.000 hommes. Basée en Caroline du Nord, elle a été fondée en 1997 par deux anciens commandos de marine américains. La présence en Irak de Blackwater est très visible et aisément reconnaissable, avec ses petits hélicoptères qui tournoient dans le ciel de Bagdad dès qu'un diplomate américain est en déplacement.