Nicolas Sarkozy suscite espoirs et inquiétudes en Italie

Par latribune.fr  |   |  871  mots
Rome se félicite des positions du nouveau président français sur la Constitution européenne et la Méditerranée. En revanche, l'Italie s'alarme de celles sur la Turquie et la BCE.

Les premières déclarations dimanche soir du nouveau président français ont été appréciées par le gouvernement de gauche de Romano Prodi. "J'ai pris connaissance avec satisfaction des déclarations du nouveau président Sarkozy car il a mis au premier plan les deux points qui ont toujours été pour moi la priorité et dont nous avions discuté ensemble à plusieurs reprises: l'Europe et la Méditerranée" a indiqué aujourd'hui Romano Prodi. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs téléphoné aujourd'hui au président du Conseil italien, lui annonçant sa visite dans les prochaines semaines. Et cela alors que Romano Prodi avait publiquement soutenu François Bayrou au premier tour et Ségolène Royal au second.

Son élection est plutôt bien accueillie à Rome, et pas seulement par l'opposition de droite menée par Silvio Berlusconi et Gianfranco Fini. "A propos de l'Europe, Ségolène Royal nous aurait posé plus de problèmes à nous du centre-gauche avec son référendum sur un nouveau Traité constitutionnel", remarque Lamberto Dini, ancien président du Conseil et actuel président de la Commission des affaires étrangères.

D'ailleurs, le député Sandro Gozi, un proche du président du Conseil italien Romano Prodi, souligne que "si le mini-traité de Nicolas Sarkozy consiste à récupérer la première partie du Traité constitutionnel européen (volet sur les décisions et les institutions de l'UE), il est sur la même ligne que l'Italie".

Ce conseiller du président du Conseil avertit cependant que si le "traité simplifié" du nouveau président français était moins ambitieux, "il y aurait des difficultés". Sandro Gozi juge "positives" les idées de Sarkozy de faciliter les "coopérations renforcées" dans l'UE et de faire passer la politique d'immigration du vote à l'unanimité au sein du Conseil des ministres européen au vote à la majorité qualifiée.

Le ton devient moins élogieux quand les Italiens évoquent les critiques de Nicolas Sarkozy contre la Banque centrale européenne. "Penser que la nouvelle présidence française pourrait prendre des mesures pour changer la politique monétaire est une illusion: cela ne se produira pas", lance Lamberto Dini. Même son de cloche pour Sandro Gozi: "c'est inquiétant s'il s'agit d'être en conflit ouvert avec la BCE, mais ces attaques seraient positives si Nicolas Sarkozy veut seulement ainsi instaurer un gouvernement économique et social en Europe et renforcer le Traité en la matière".

L'autre préoccupation majeure à Rome est le refus de Nicolas Sarkozy d'une entrée de la Turquie dans l'UE et les effets que cette position aura sur les négociations en cours avec Ankara. "Les thèmes de l'immigration et de l'adhésion de la Turquie ne sont pas de vrais clivages avec Nicolas Sarkozy car à long terme nous aurons tous besoin de la Turquie", espère Pasquale Pistorio, président de Telecom Italia et un des dirigeants du patronat italien. Tous soulignent que l'entrée de la Turquie est de toute façon impensable d'ici dix ans, c'est-à-dire avant la fin d'un éventuel second mandat de Nicolas Sarkozy...

L'Union méditerranéenne entre les pays riverains de l'UE comme l'Italie et ceux du rivage sud proposée par le nouveau président français suscite en revanche l'intérêt à Rome. Mais "il n'est pas encore clair si cette Union diviserait ou non l'Europe, en excluant par exemple l'Allemagne et la Grande-Bretagne", note Stefano Silvestri, président de l'Institut des Affaires internationales (IAI).

"Le dialogue euro-méditerranéen imaginé il y a 12 ans à Barcelone n'a pas atteint ses objectifs", indiquait début février Nicolas Sarkozy dans un discours à Toulon, plaidant pour que "la France, européenne et méditerranéenne à la fois, prenne l'initiative avec le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et Chypre, d'une Union Méditerranéenne (...) s'organisant autour d'une rencontre périodique de ses chefs d'Etats et de gouvernements comme les grands pays industrialisés ont leur G8" et dotée "d'un Conseil de la Méditerranée comme l'Europe a le Conseil de l'Europe" et d'un "système de sécurité collective".

"C'est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu'il nous faut concevoir l'immigration choisie, c'est-à-dire décidée ensemble, organisée ensemble, maîtrisée ensemble", précisait alors Nicolas Sarkozy. Un thème très important dans la Péninsule, confrontée en permanence à l'arrivée de navires de clandestins sur ses côtes.

Enfin, l'agenda bilatéral franco-italien reste chargé: "toute une série de dossiers industriels et financiers sont encore ouverts", rappelle Jean-Pierre Darnis, chercheur à l'IAI. Cet expert des relations franco-italiennes avertit toutefois les dirigeants italiens que "Nicolas Sarkozy a démontré sa grande capacité à défendre les intérêts français".

Dans la défense, un éventuel rapprochement entre Thales et Finmeccanica, tous deux détenus pour un tiers par leur gouvernement respectif, est sur la table du nouveau président français. Tout comme le rôle que pourrait jouer le groupe italien d'énergie Enel dans le dossier Suez. "En matière d'énergie, les rapports de Paris avec l'Italie pourraient s'améliorer", indique laconiquement Sandro Gozi.