"La taxe professionnelle ne doit plus frapper l'investissement"

Par latribune.fr  |   |  1275  mots
Le secrétaire d'État à l'Industrie et au Commerce précise dans un entretien à La Tribune quelle est sa définition de la politique industrielle. Il affirme également que l'Etat va aider l'industrie française à innover.

Que signifie ce retour d'un ministère de l'Industrie à Bercy?
Le gouvernement croit en l'avenir de l'industrie. Le président de la République a donc voulu que l'on incarne davantage la politique industrielle. L'industrie représente encore, avec les services associés, 30 % de notre création de richesse. Nous restons la cinquième puissance industrielle exportatrice. L'industrie, c'est 75 % de nos exportations de biens et services. Elle est indispensable à notre équilibre économique. Enfin, n'oublions pas que le maintien de notre capacité industrielle permet le développement des services aux entreprises. Il y a certes un déclin de l'emploi industriel, mais en face l'emploi monte dans les services. Enfin, la France conserve un poids incontestable dans certains secteurs d'avenir : nous sommes leader mondial du nucléaire civil, numéro un mondial du luxe, du BTP... Comment penser qu'un pays comme la France renonce à sa puissance industrielle, alors que des entreprises françaises ont un poids très important dans le monde sur des créneaux porteurs ?

Est-ce que vous avez commencé à définir une politique industrielle?
Une bonne politique industrielle, c'est d'abord une bonne politique économique. Quand on dit que l'industrie française n'est pas assez compétitive, c'est l'économie française qui ne l'est pas. Comment être compétitif dans un pays où les salariés arrivent le plus tard sur le marché du travail, le quittent le plus tôt et où, entre les deux, on travaille 35 heures hebdomadaires ? Cela paraît caricatural mais c'est quand même la vérité. Alors que faisons-nous ? Nous favorisons la flexibilité du contrat de travail et nous essayons de libérer les énergies qui existent dans ce pays. Spécifiquement sur l'industrie, j'ai défini trois orientations qui sont l'économie de l'intelligence, les industries du futur et l'accompagnement des transitions industrielles. Pour ce qui est de l'économie de l'intelligence, ce qui fera le succès de l'industrie de demain, c'est la capacité que nous aurons eue à innover. Force est de constater que la France est en retard. La R&D représente 2,1 % du PIB, contre plus de 3 % dans les pays les meilleurs. De même, nous n'avons que 5 % des dépôts de brevet mondiaux, quand l'Allemagne en est à 16 %... Nous avons donc triplé le crédit d'impôt recherche, ce qui nous permet d'avoir le dispositif le plus attractif des pays développés.

Que ferez-vous pour les pôles de compétitivité ?
L'idée est de favoriser, par la concentration d'énergies, dans le public, le privé, les universités, les entreprises, grandes et petites, l'émergence de projets innovants et le développement d'activités économiques. Nous attendons l'évaluation confiée au Boston Consulting Group, qui sera rendue publique dans l'été. Les premiers retours sont plutôt positifs, mais nous devons adapter notre dispositif pour mieux faire émerger les pôles à vocation mondiale. Il ne s'agit pas de saupoudrer mais de concentrer les noeuds d'intelligence de demain, de renforcer les moyens sur les pôles qui le nécessitent. Il y a de bonnes surprises, mais aussi quelques déceptions.

Quelles sont vos autres priorités ?
Parmi les industries du futur, je donnerai l'exemple dans trois domaines : les éco-industries, le nucléaire civil et les télécoms. Le Grenelle de l'environnement ne doit pas être perçu par l'industrie comme une contrainte mais comme une opportunité de développement économique. Nous avons des compétences, des leaders dans l'énergie, l'eau, les déchets, mais il faut structurer cette filière. Je vais lancer un haut comité stratégique sur les éco-industries. De même, nous allons créer une agence d'ingénierie destinée à fournir l'appui institutionnel français aux pays intéressés par l'énergie nucléaire civile. Plus globalement, nous sommes le leader mondial et nous allons avoir besoin de 1.200 ingénieurs et chercheurs par an. Il y a là aussi un défi de structuration de la filière de production.

Et dans les télécoms, quelle est votre vision?
La France doit, par exemple, foncer dans tout ce qui se passe autour du RFID radio frequency identification : méthode utilisée pour stocker et récupérer des données à distance, Ndlr] ou des moyens de paiement sans contact. Nous devons valoriser nos compétences dans les télécoms dans des créneaux grand public porteurs de progrès. La France est en retard ? Nous allons donner un vrai coup d'accélérateur au très haut débit numérique grâce à la loi de modernisation de l'économie. L'État intervient pour lever les barrières à l'entrée et faciliter la concurrence. Les syndics ne pourront pas s'opposer, sauf motifs sérieux et légitimes, au raccordement en fibre optique de leurs copropriétaires et tous les immeubles neufs de plus de 25 logements seront précâblés à partir de 2010. On a aussi demandé aux opérateurs de garantir une mutualisation effective des réseaux pour permettre la concurrence sur le très haut débit. S'ils n'y parviennent pas, nous demanderons à l'Arcep d'arbitrer le débat.Sur le plan fiscal, avez-vous identifié des priorités ?

Il y a des réflexions en cours, mais aucune priorité n'a encore été arrêtée à ce stade. Dans ces réflexions, mon sentiment est qu'une attention toute particulière doit être portée à la taxe professionnelle, parce que c'est un impôt pervers, qui pénalise les entreprises qui investissent en France, avec de réels risques de délocalisation. Je me battrai pour que la taxe professionnelle ne frappe plus l'investissement.

En matière de restructurations industrielles, le gouvernement n'est-il pas trop défensif, à l'exemple de Gandrange?
C'est la troisième orientation de notre politique: mieux anticiper et accompagner les mutations industrielles. L'industrie, c'est une éternelle reconstruction. Notre rôle, à nous politiques, c'est de dire la vérité aux Français. C'est fini l'époque où on rentrait à 18 ans dans l'entreprise de son père pour en sortir à 60 ans en ayant fait le même métier. Si on veut une industrie dynamique, il faut accepter l'idée de changer plusieurs fois de métier, d'entreprise ou de région au cours de sa vie. Mais il faut en même temps rassurer les salariés pour accompagner cette mutation. Le rôle de l'État est d'accompagner cela par de la formation tout au long de la vie.

Où en est le projet de fonds de réindustrialisation annoncé par Nicolas Sarkozy?
L'objectif est d'être plus efficace, d'avoir des effets de levier supérieurs, pour faire mieux sur ce sujet toujours très sensible des restructurations industrielles... Nous devons mieux anticiper et mieux accompagner ces mutations, en amont, en essayant de favoriser une reprise, permettre la pérennité d'une activité avec l'arrivée de nouveaux investisseurs, ou bien, en cas d'échec, d'apporter un accompagnement social et de procéder à la revitalisation des territoires. Sur la question du fonds de réindustrialisation, les entreprises de plus de 1.000 salariés qui conduisent des restructurations sont soumises à une obligation de revitalisation. En cinq ans, ce sont plus de 50.000 emplois détruits qui ont été compensés et, rien qu'en 2007, ce sont 44 millions d'euros qui ont été recueillis au titre de cette obligation. La question qui se pose, pour aller plus loin, est celle de la revitalisation des territoires touchés par des restructurations, qui, pour différentes raisons (taille de l'entreprise notamment) ne sont pas soumises à ces obligations. L'État est légitime et fondé à intervenir à condition d'être dans un donnant-donnant avec les opérateurs privés.