1929, 1987... 2008

Pour les économistes Robert Shiller et Charles Kindleberger, un krach naît de l'inquiétude partagée, depuis plusieurs mois, par les opérateurs et de la forte chute des cours dans la semaine précédant le krach. Ils concluent que le plongeon des Bourses intervient au lendemain d'un week-end, où les investisseurs prennent conscience de la gravité de la situation après une semaine de forte volatilité. Autrement dit, les journées de krach (les lundis 28 octobre 1929 et 19 octobre 1987) ne seraient qu'une répétition amplifiée de ce qui s'est passé la semaine antérieure: la chute des cours du jeudi noir (le 24 octobre 1929) et la baisse de 10% entre le mercredi 14 et le vendredi 16 octobre 1987. Comparaison n'est pas raison, néanmoins l'histoire économique est instructive.Dans la période houleuse que nous connaissons, le spectre de la crise de 1929 renaît, comme en 1987 d'ailleurs. Pour l'exorciser, analystes et experts s'emploient à chercher les singularités de chacun des contextes économiques et financiers pour tenter de montrer que ce qui est arrivé ne pourra pas se reproduire, car le présent est bien différent du passé. Certes, les situations ne sont pas analogues. En 1929, l'économie est en déflation, la masse monétaire est faible et la Réserve fédérale n'injecte pas de liquidités pour prévenir la faillite des banques, qui s'écroulent en cascade. Aujourd'hui, l'inflation reprend de la vigueur, la masse monétaire est conséquente et les banques centrales réagissent de concert pour sauvegarder le système financier. En 1929, l'Etat n'intervient pas, il faudra attendre 1932 pour que le président Hoover lance un programme d'aide économique, suivi en 1933 par le fameux New Deal du Président Franklin Roosevelt. Aujourd'hui les gouvernements ont rapidement réagi: plan de réduction d'impôts aux Etats-Unis ou encore nationalisation de la banque Northern Rock au Royaume-Uni. Dernière particularité, la crise financière de 1929 n'a eu, en France, des répercussions boursières qu'à partir de septembre 1931. Son impact a été faible en comparaison à la baisse de ce début d'année.Ces différences ne doivent pas masquer de nombreuses analogies. La première est le niveau d'endettement élevé des ménages. En 1929, les américains empruntaient pour l'achat d'actions promises à la hausse, titres vite revendus à perte à la première baisse, entraînant le marché dans un krach boursier. Aujourd'hui, les américains sont endettés à hauteur de 130% de leurs revenus annuels - deux fois plus que les français - avec des biens immobiliers difficiles à vendre. La seconde ressemblance est l'essor "d'innovations" financières non maîtrisées. En 1929, c'étaient les call loans, un mécanisme de financement de titres; aujourd'hui, c'est le mécanisme de titrisation des crédits. La troisième similarité est un accès au crédit facilité par des taux faibles - inférieurs ou égal à 3% de 1923 à 1927, inférieurs à 2% de 2002 à 2005 aux Etats-Unis - entraînant une hausse spéculative du prix des actifs. La quatrième caractéristique commune aux deux périodes est une crise financière doublée d'une crise immobilière, crise qui s'est déclenchée en 1925 et en 2005 aux Etats-Unis. C'est enfin une économie portée par des gains de productivité élevés résultant de l'industrialisation en 1929 et des délocalisations aujourd'hui.La crise boursière de 1929 a été soudaine et longue, car les opérateurs se sont rapidement dégagés du marché pour assurer leur solvabilité, qu'ils n'ont su retrouver. Celle que nous traversons sera probablement moins brutale, compte tenu de la vive réaction des banques centrales et des gouvernements, mais elle sera sans doute longue, car le système financier est au mieux à consolider, au pire à reconstruire.La bonne santé financière des entreprises est, en apparence, le seul rayon de soleil qui vient aujourd'hui éclairer cette sombre description. Néanmoins, leur rentabilité n'est pas pérenne. Pour la préserver, les entreprises ont indexé leurs prix de vente au coût d'achat des matières premières toujours en hausse et elles ont misé sur la baisse des coûts de production par la délocalisation d'activités. Or, tôt au tard, les consommateurs réduiront leur consommation face à la hausse des prix. Et, tôt ou tard, les populations des pays à faibles coûts salariaux verront leurs revenus augmenter. Dans les deux cas, les entreprises devront réduire leurs marges au détriment de leurs bénéfices. Ces derniers ne pourront donc pas rester au même niveau que ceux de cette année. Si actuellement la crise financière pèse sur les cours de Bourse, demain ce pourrait bien être la baisse des résultats des entreprises qui en serait la cause.
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