Sévère réquisitoire de la Cour des Comptes sur les finances publiques

C'est une volée de bois vert que la Cour des Comptes assène ce mercredi au gouvernement. Dans son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, l'instance de contrôle des comptes publics exprime en effet avec force son scepticisme quant aux projets du gouvernement en matière d'assainissement des finances publiques.Première constatation formulée par la Cour : les comptes publics de la France se sont détériorés l'année dernière, alors même que le reste de l'Europe améliorait sa situation financière. En outre, souligne l'institution, des risques "non négligeables" pèsent sur la réduction promise du déficit cette année. Et pour faire bonne mesure, les sages de la rue Cambon dénoncent également les hypothèses "ambitieuses" retenues pour le retour à l'équilibre en 2012. En 2007, donc, après trois années d'amélioration, le déficit public de la France s'est aggravé de 7,7 milliards d'euros, à 50,3 milliards au total ou 2,7% du produit intérieur brut. Une détérioration qui n'empêche pas le gouvernement de prévoir officiellement de ramener ce déficit à 2,5% cette année puis à 2% en 2009. Un optimisme qui ne convainc pas tout le monde : la Commission européenne, par exemple, s'attend à ce que le déficit augmente à 2,9% en 2008 puis atteigne 3% en 2009, soit la limite fixée par le Pacte de stabilité et de croissance.Même situation préoccupante du côté de la dette publique. Celle-ci a atteint l'an dernier 1.209,5 milliards d'euros, soit 63,9% du PIB ou "47.000 euros par personne ayant un emploi", a souligné aujourd'hui Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, lors d'une conférence de presse. La charge d'intérêt a ainsi atteint 52 milliards d'euros, soit 2.000 euros par actif occupé et plus que le déficit public de 2007. Constat très préoccupant formulé par la Cour des Comptes : "la dégradation d'ensemble des finances publiques en 2007 est venue d'une détérioration simultanée de la situation de presque toutes les catégories d'administrations publiques, et presque toutes se trouvent aujourd'hui financièrement fragilisées", souligne le rapport.Dans un tel contexte, les experts de la Cour ne se privent pas d'exprimer leur scepticisme quant aux projets de diminution des déficits formulés par le gouvernement. "Les perspectives pour 2008 et 2009 ne sont guère encourageantes", estime Philippe Séguin. En particulier, la baisse du déficit à 2,5% prévue cette année proviendrait pour moitié des collectivités locales, sous l'effet d'un ralentissement de leurs dépenses. Or, selon le premier président, "il s'agit d'une hypothèse incertaine pour ne pas dire davantage, vu leur évolution de ces dernières années".La situation conjoncturelle aura aussi un impact avec l'inflation élevée et le ralentissement de la croissance. "Si la reprise de l'inflation peut laisser espérer de meilleures recettes de TVA, de lourdes incertitudes pèsent sur le produit de l'impôt sur les sociétés", a expliqué Philippe Séguin. Enfin, la hausse des taux d'intérêt observée depuis 2007 et la reprise de l'inflation risquent d'entraîner, par des mécanismes d'indexation, une pression sur les dépenses en 2009. Dans ces conditions, la Cour des Comptes s'interroge sur les hypothèses retenues dans le programme de stabilité que la France s'est engagée à appliquer pour ramener ses finances publiques à l'équilibre à l'horizon de 2012.L'hypothèse d'une progression en volume de la dépense publique de 1,1% suppose par exemple une division par deux du rythme observé ces dernières années (2,2%). L'effort demandé est encore plus violent pour les collectivités locales, priées de ramener le rythme de progression de leurs dépenses de 4,2% en volume par an à 1,4%. La seconde hypothèse, sur la croissance, semble aussi discutable. Le gouvernement, comptant sur ses réformes structurelles, table sur une accélération de la croissance à 2,5-3,0% sur la période, contre 1,85% prévu cette année, ce qui, par les suppléments de recettes ainsi générés, permettrait d'atteindre l'équilibre en 2012. "Si la France n'atteignait pas ces taux et restait sur sa tendance de 2%, le déficit serait encore de 1,2% en 2012, cela même en supposant réalisé le freinage des dépenses", a observé Philippe Séguin. Ce dernier ne s'est pas privé de souligner les difficultés de cet effort de maîtrise des dépenses. "Une stratégie de rééquilibrage ne peut être que globale. A quoi sert que l'Etat ne remplace pas un fonctionnaire partant à la retraite sur deux si, dans le même temps, les collectivités locales recrutent fortement ?", s'est interrogé Philippe Séguin.Le rapport prône aussi l'amplification de la démarche générale de révision des programmes publics, comme cela s'est fait ailleurs en Europe. La révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en juillet 2007 a abouti jusqu'à présent à l'annonce de 6 milliards d'euros d'économie nette attendue en 2012 "alors même que pour respecter le programme de stabilité il faudrait 46 milliards d'économies", a souligné Philippe Séguin...
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