Comment justifier les bonus de Barclays ?

Par Eric Albert, à Londres  |   |  591  mots
Bob Diamond, patron de Barclays, a touché 70 millions d'euros en cinq ans
Bob Diamond, patron de Barclays, a touché 7,8 millions d'euros l'an dernier. Mais il n'est pas le mieux payé de sa banque. En moyenne, les principaux banquiers ont encaissé 2,5 millions d'euros. La polémique sur les bonus continue à la City.

"Le temps des remords pour les banquiers est fini." Visiblement, Bob Diamond suit au mot près ses propres recommandations. Quand il avait lancé cette petite phrase face à un comité de parlementaires britanniques en janvier, le patron de Barclays avait laissé entendre qu'il prendrait un bonus cette année, après y avoir renoncé les deux années précédentes.

Ceux qui pensaient qu'il aurait pu changer d'avis auront été déçus. Selon le rapport sur la rémunération de Barclays publié ce lundi, Bob Diamond a accepté un bonus de 7,5 millions d'euros pour 2010, auquel s'ajoute un salaire de base qui paraît dérisoire en comparaison: 300000 euros. Certes, seul son salaire de base est payé en cash, le reste étant des actions, dont une grande partie est bloquée sur plusieurs années. Mais Bob Diamond compense en encaissant des actions qu'il a reçues les années précédentes. Il en a vendu pour 8,5 millions d'euros l'an dernier.

Mais le patron de Barclays n'est pas le mieux payé de sa banque. Dans un accord avec le gouvernement britannique, les banques ont accepté de dévoiler les revenus des cinq cadres bancaires les mieux payés -mais sans en donner les noms. L'heureux vainqueur de 2010, anonyme donc, a perçu la coquette somme de 12,6 millions d'euros. Les quatre autres (hors le trio des dirigeants exécutifs) touchent, dans l'ordre, et en millions d'euros: 12,3; 9,1; 6; 4,3.

Ces chiffres ne concernent cependant pas les traders de Barclays, mais seulement ses cadres dirigeants. Or, HSBC avait révélé la semaine dernière que les traders les mieux payés gagnaient plus que les dirigeants les mieux payés. A Barclays, c'est probablement aussi le cas. Mais nous ne le saurons jamais: l'accord imposé par le gouvernement britannique ne force pas à le dévoiler.

Dernier chiffre enfin: les 231 "personnels clés" de la banque (les banquiers les plus importants) ont touché au total une rémunération de 584 millions d'euros. Soit 2,5 million d'euros par personne. A HSBC, le même chiffre moyen des "personnels clés" atteignait 1,5 million d'euros. Conclusion, pour les aspirants banquiers qui liraient ces lignes: envoyez votre CV à Barclays, ce sera plus rentable.

Maintenant, essayons pour une seconde d'oublier ces chiffres. Admettons que les bonus soient nécessaires à la motivation des banquiers, et qu'ils soient vraiment liés à la performance de la banque. Comment Barclays justifie-t-elle ces bonus?

Dans son rapport sur la rémunération, Barclays explique en partie ses critères. Les performances financières comptent pour 60% du bonus de long terme, 30% viennent du niveau de risque, et 10% de critères plus généraux concernant la satisfaction des clients et des employés. Mais dans le même temps, le rapport publie un graphique fascinant. Un investisseur qui aurait acheté pour 100 euros d'actions Barclays en 2005 ne posséderait aujourd'hui que 53 euros. Pendant la même période, le FTSE 100, l'indice phare de la bourse de Londres, a progressé de 26%. 

Comment justifier de tel bonus quand les actionnaires ont été eux sévèrement punis par la crise? Voilà la preuve claire que les banquiers ne subissent pas les conséquences de leurs erreurs, même dans le cas d'une banque comme Barclays, qui n'a pas été nationalisée.

Sans même compter l'élément moral, ou l'aspect politique, force est de constater que financièrement, les bonus sont difficile à justifier. Visiblement, Bob Diamond n'en a cure. Il a empoché environ 70 millions d'euros en cinq ans, selon les calculs du Guardian. Ce n'est visiblement pas fini.